Antoine est veilleur de nuit dans une institution pour enfants "difficiles", La Clairière. Il vit seul dans une petite maison spartiate. Et il a des trous dans la mémoire. Antoine a sur le torse des cicatrices spectaculaires, témoignages d'un épisode dramatique vécu alors qu'il avait 8 ans. Ce jour-là, fin août, il était venu avec ses copains se faire quelques frissons près des chutes du barrage de Treignac. Equipés de chambres à air et de gonfleurs, ils ont très envie de se jeter dans les chutes, d'éprouver la puissance du torrent. Mais la peur est la plus forte, ils rebroussent chemin et rentrent chez eux. Déçu, en colère, Antoine décide de revenir le lendemain, seul. Il se risque dans l'eau, et tout à coup : "Je tombai à la renverse, sur le tronc, et mes derniers souvenirs sont l'eau boueuse me submergeant, un mur d'écume droit devant et un goût mélangé de bois et d'eau terreuse dans la bouche."
Antoine reprend connaissance. Il se trouve dans une camionnette, en compagnie d'un grand homme blond et barbu qui le soigne et le ramène chez un médecin, non sans lui avoir tenu un discours troublant, lui avoir demandé s'il a voulu mourir.
Vingt-cinq ans plus tard, Antoine n'est toujours sûr de rien. Quelle est la part de vérité et de reconstitution dans les souvenirs qui le submergent ? Ce qui est certain, c'est qu'il mène une vie à part, une vie de reclus. Son métier de veilleur de nuit l'expose aux crises les plus difficiles à maîtriser, notamment avec la jeune Ouria, une adolescente extrêmement perturbée, anorexique-boulimique, qu'on a placée dans l'établissement où travaille Antoine. Ouria, fascinée par les cicatrices d'Antoine, tisse avec le veilleur de nuit une relation ambiguë, dangereuse tant pour elle que pour lui. La nuit, quand il ne se passe rien, Antoine, dans sa cambuse de la pension, lit, écrit, regarde la télé et des DVD. On ne saura jamais ce qu'il écrit, ni ce qu'il lit, ni ce qu'il regarde. Maneval est avare de détails. A croire qu'il veut s'en tenir à l'essentiel. Et ça marche. La sobriété et l'élégance de sa prose sont autant d'armes qui, insidieusement, font avancer le lecteur dans un tunnel d'angoisses et d'interrogations. Car le passé d'Antoine va ressurgir sous la forme d'un journaliste de ses connaissances qui le persuade que l'homme emprisonné pour avoir sauvagement assassiné un jeune garçon, à l'époque de son agression, n'est pas vraiment le coupable. Pour le journaliste, le véritable meurtrier est là, en liberté. Et c'est lui qui est également responsable de l'agression qu'a subie Antoine. Mais la mémoire est une chose étrange... Et le secret d'Antoine est sans doute ailleurs.
Que dire, hormis vous conseiller séance tenante de vous procurer ce petit livre sombre et magnifiquement écrit, de lui accorder toute l'attention et toute l'émotion qu'il mérite, bref de l'aimer et de le faire savoir.
A noter : les éditions Écorce publient un roman par an dans leur collection "noir", et suivent le même rythme dans la collection "arobase". Une sobriété remarquable en ces temps pléthoriques... et une production qui donne envie de la suivre de très près.
Eric Maneval, Retour à la nuit, éditions Écorce. Le roman a reçu le Prix du polar lycéen d'Aubusson 2011
"Bois", de Fred Gevart, et le tout récent "Recluses" de Séverine Chevalier, sont aussi des productions Ecorce de grande qualité. "Bois" est sélectionné pour le Prix de la Ville de Mauves sur Loire qui sera décerné pour le prochain festival Mauves en Noir, le dernier week-end d'avril. Fred Gevart y sera présent.
RépondreSupprimerJ'approuve tout ce que dit Hervé sur les excellentes productions Ecorce :)
Supprimer;-) pour ton titre
RépondreSupprimerhttp://blog.yimmyayo.com/post/749424571/three-full-days-of-shoots-done-into-the-studio
Merci Hervé, je mets ces titres à mon programme de lecture !
RépondreSupprimerBonjour Velda,
RépondreSupprimerJe ne comprends pas qu'un libraire ne soit pas parvenu à commander le roman d'Eric Maneval. Il est référencé où il faut et ça fonctionne très bien. Ça m'intrigue. Mais l'autre solution consistait aussi à se tourner vers Ecorce pour un service de presse. La prochaine fois, n'hésitez pas.
Un grand merci pour votre chronique.
C.H.