11 février 2012

Jérémie Guez, Paris la nuit : small is beautiful

Vous n'en n'avez pas assez, parfois, de vous retrouver avec un pavé de 650 pages entre les mains? Vous le lisez consciencieusement depuis 3 ou 4 jours, l'histoire n'est pas mal foutue, l'écriture ne casse pas trois pattes à un canard, mais bon, vous avez quand même envie de connaître la fin. Alors, pour arriver au bout de vos 650 pages, vous sautez mine de rien une ligne, deux lignes, un paragraphe, deux paragraphes. Et à la fin, eh bien vous connaissez la fin. Voilà tout. Et finalement, ces passages que vous avez sautés ne vous manquent pas plus que ça.
Moi, ça m'arrive, ça m'est même arrivé un peu trop souvent ces derniers temps. Avec des livres dont je n'ai même pas envie de vous parler sur ce blog. Et là, j'ai eu le déclic: je suis comme beaucoup d'entre vous, mon temps libre n'est pas extensible. Et à force de perdre son temps et son enthousiasme à avaler des pavés prémâchés, on finit par oublier certains "petits" livres qui s'attardent dans la pile. C'est ainsi que j'ai extrait le livre de Jérémie Guez, Paris la nuit, de la tour de papier qui de jour en jour, s'approche de  l'écroulement. Eh oui, le critère, en apparence, c'était la brièveté. De quoi avoir honte non? Non, car en fait c'était un peu autre chose. Quand j'ai lu le livre de Larry Fondation, 100 pages de pure littérature et de vie à l'envers, je n'en ai pas raté une seule ligne, un seul mot. Et ce livre, près d'un mois plus tard, est encore avec moi. Malgré les pavés prémâchés. Et puis Jérémie Guez n'était pas un parfait inconnu...

Paris la nuit tient en 108 pages. Abe est un jeune Parisien des quartiers populaires, il vit seul avec son père qui passe sa vie devant la télé, il traîne avec les copains avec lesquels il a grandi. Il boit, il fume, il prend un peu de coke, la routine quoi. Et puis un jour, il en veut davantage. Alors ils montent entre potes le braquage d'une salle de jeux clandestine, où vont jouer tous les soirs les caïds du coin. Braquage fait, il s'agit de se faire discret, car les caïds n'ont pas l'intention d'en rester là. Histoire banale ? Sûrement, et ça n'est probablement pas un hasard. Copain mouchard, femmes salopes ou camées jusqu'aux yeux, tous les ingrédients du roman de gangsters traditionnel sont là. Sauf qu'on aurait sûrement tort de s'en tenir là. Jérémie Guez a un don. Il sait, dès les premières pages, faire littéralement entrer le lecteur dans la peau de Abe. Même si le lecteur est, comme moi, bien éloignée en apparence de ce jeune type. Contrairement à d'autres romans qui parlent des bandes de banlieue, celui-là ne se croit pas obligé d'utiliser le langage de la zone. Et la narration, qui se fait à la première personne, montre une maîtrise sans ostentation, une colère à peine retenue et une lucidité qui fait mal. Cette vie qui saute d'ivresse en nuit au poste, de bière en coke, de coke en flingue, elle est là, devant nous, et il ne nous viendrait jamais à l'idée de la juger. D'autant moins que Abe a une petite amie, Julia, étudiante à la Sorbonne. En l'occurrence, le choc des cultures n'est pas un vain mot et Guez ne se prive pas d'utiliser des termes très durs quand il décrit ce petit monde d'étudiants en mal de révolution, futurs bobos bien-pensants mais finalement bien pratiques quand il s'agit de leur refourguer au prix fort la came venue des vilains quartiers. Abe n'est pas un révolté. Depuis le début, il sait qu'il n'échappera pas à son monde, malgré l'argent. Il ne fuira pas, non, il n'essaiera même pas. Et c'est peut-être cela qui fait que ce roman échappe à tous les stéréotypes, peut-être cela qui le rend dur, compact, comme un pavé qu'on recevrait en plein estomac.
Jérémie Guez, Paris la nuit, La Tengo éditions

1 commentaire:

  1. ce fut mon seul grand coup de coeur de l'année 2010 ! et je vais bientôt lire son second roman qui va sortir à la fin du mois " Balancé dans les cordes", je te le recommande!

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