19 janvier 2012

Larry Fondation, "Sur les nerfs", ou Los Angeles sans Hollywood...

Larry Fondation vit à Los Angeles depuis 1980, où il est médiateur de quartiers. South Central Los Angeles, Compton et East LA, pour être plus précis, probablement les plus difficiles.
Sur les nerfs est sa première œuvre de fiction. Ce petit livre de 120 pages n'est pas un roman policier, mais il est à coup sûr un livre noir qui défie la chronique... Ces 10 textes et leur épilogue en cinq parties ne sont pas non plus des nouvelles. Ce sont des moments, des flashes de vie et de mort.

Chaque texte a sa propre construction. Le premier, par exemple, "Des enfants en train de jouer", se présente sous la forme de courts paragraphes précédés d'un titre numéroté. Et le choc est d'autant plus grand que cette structure rassurante accueille des images particulièrement dures: 15 paragraphes de longueur variable pour une histoire de prison et de mort racontée de façon descriptive, clinique, effroyable. Des armes, du rap, de la drogue, du sang, du sexe sans érotisme, de la vie brute, brutale. Et des rapports humains réduits à leur plus simple expression. Larry Fondation ne nous épargne pas : le monde dont il parle, celui des bas-fonds de Los Angeles, il le connaît bien. Inutile de nous voiler la face : ce monde n'est pas à côté du nôtre, il est aussi le nôtre. Violent, ultime, parfois déchirant, l'univers de Fondation est celui où nos bonnes vieilles valeurs en prennent pour leur grade. C'est un monde où la trahison est une affaire quotidienne, où l'indifférence est un moindre mal, où la vie ne vaut pas grand-chose, et où la jeunesse n'est pas vraiment un bienfait...
Dans "Le long silence bien rempli d'un cœur vidé", Fondation décide là encore de raconter son histoire sous la forme de paragraphes numérotés en chiffres romains. Mais là, on se rapproche presque d'une écriture poétique. L'histoire commence par une liste, celle des armes préférées de la bande ; un peu plus loin, une autre liste,celle des "biens personnels à protéger". Et à la fin, une fois que tout est dit, voici une autre liste : celle des animaux domestiques : souris, gerbilles, perroquets, rats, kérosène, pigeons, singes, E. Coli, battes de baseball. Cherchez l'erreur. Entre-temps, une fille aura cessé de vivre. Et ça n'aura pas plus d'importance que ça.

Vous l'aurez compris, ce livre n'est pas de tout repos. Last Exit to Brooklyn non plus, d'ailleurs... Mais là, pas de lyrisme. De la rapidité, de la violence, de la cruauté et de la désespérance. Sur les nerfs, c'est 120 pages de prose à vif, d'humanité à l'agonie, de littérature à l'arraché. 120 pages seulement, mais qui laissent derrière elles comme une traînée de poudre. La poudre que vous voudrez...

Pour en savoir plus sur l'auteur

Larry Fondation, Sur les nerfs, traduit de l'américain par Alexandre Thiltges, Fayard

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