L'aspect technique étant réglé une bonne fois pour toutes puisque les spécialistes de la 3D maîtrisent maintenant parfaitement leur sujet tant côté décors que personnages, on peut se focaliser sur l'interprétation proposée par Steven Spielberg et Peter Jackson du célèbre personnage d'Hergé. Comme pour se donner une légitimité, Spielberg insiste sur les contacts téléphoniques qu'il a eus avec Hergé peu avant sa mort dans le but d'adapter pour le cinéma les célèbres bandes dessinées qui ont marqué des générations de bambins de 7 à 77 ans. L'auteur belge aurait été enthousiasmé par cette idée, reprise volontiers par les héritiers pour aboutir au film qui vient de sortir en DVD. Spielberg, en producteur avisé, s'est adjoint l'originalité de scénaristes dont le moindre n'est pas un des auteurs du Docteur Who, série culte de la télé anglaise pour accoucher d'un film entièrement centré sur l'action.
Du coup il propose une lecture essentiellement dynamique de Tintin, gommant l'aspect reporter-témoin qui était cher à Hergé. Le métier de journaliste du héros est juste évoqué ici par une phrase dans laquelle Tintin dit avoir un bon sujet de reportage avec cette histoire de trésor de la Licorne. En plus, en associant plusieurs albums dans cette aventure cinématographique, il a malheureusement effacé le contenu historique qui fait le charme de la BD. Car Hergé, malgré bien des côtés embarrassants de sa personnalité, n'en est pas moins un témoin de son temps qui est négligé par le metteur en scène pour ne laisser que les gags et scènes d'action qui finissent par lasser. Haddock, le compagnon de Tintin, est quant à lui traité comme un véritable pochetron alors que dans la BD ses abus ont un côté anecdotique, voire sympathique. Qui ne se souvient de ses gros mots sous l'emprise de l'alcool. Spielberg a probablement pris ce parti de représenter un alcoolique dans ce qu'il a de plus négatif pour satisfaire un public américain qui bien sûr ne fume ni ne boit comme chacun sait. Pourtant, curieusement, le film n'a pas connu un succès énorme outre-Atlantique, séduisant le public européen qui, il est vrai, a déjà une culture "tintinophile". Autre aspect gênant pour les amateurs de la première heure de la BD : la physionomie juvénile de Tintin proposée par Spielberg et Jackson ressort beaucoup plus dans la modélisation 3D que dans la BD, plus neutre car lors des premières parutions, tous les personnages dessinés étaient basés sur ce style de graphisme, quel que soit leur âge. On regrettera en visionnant le DVD que Spielberg ait aussi supprimé toute culture politique et sociale du contexte auquel Hergé était pourtant très attaché. Souvenez-vous simplement du premier album Tintin chez les Soviet dans lequel il donne son interprétation du régime communiste. En fin de compte le réalisateur des fameux Indiana Jones semble avoir transposé son archéologue à l'âge adolescent dans un dessin animé qui satisfera certainement les amateurs d'aventures pures et dures mais laissera sur leur faim les vrais amoureux de Tintin et de Milou qui heureusement rattrape bien des choses car il est plus mis en valeur dans le film que dans la BD originale. La fin laisse même entrevoir la possibilité d'une suite qui donnera peut-être l'occasion aux réalisateurs de rattraper leurs erreurs et de réintégrer le personnage de Tournesol, qui manque beaucoup dans ce premier film.
Les trois interprétations du personnage de Tintin : l'original de Hergé, son incarnation au cinéma en 1964 avec Jean-Pierre Talbot dans le rôle titre, et le petit dernier de Spielberg
Les aventures de Tintin - Le secret de la licorne - réalisé par Steven Spielberg et Peter Jackson
Fred
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