Côté intrigue, plutôt classique. Un tueur en série sème la panique à Nogent-les-Chartreux, une petite ville de 20 000 habitants située dans la Beauce. Le flic de service, Paul Garand, est un brave homme légèrement déprimé, en surpoids chronique, pêcheur à la ligne passionné, seul dans son petit logement de fonction, abandonné par son ex partie filer le parfait amour avec un médecin parisien... Une ex à qui il téléphone néanmoins tous les jours, et pas seulement pour lui donner des nouvelles de leur fils Grégory, resté à Nogent et avec lequel Paul Garand communique principalement par le biais des petits plats qu'il lui mitonne avec amour... Premier cadavre, un homme retrouvé à moitié cramé dans une baraque de pêcheur, au bord du canal de Beauce. Et ce n'est que le début... Impossible de trouver un point commun entre les victimes, pas l'ombre d'une piste pour le commissaire Garand. Déjà qu'il passe pour une grosse feignasse, là c'est le pompon... Il n'est pas vraiment paresseux, le gros Paul. Non, il est plutôt dégoûté, découragé, bref bien fatigué. Il fait ce qu'il peut, et c'est trop peu. Il faudra que le criminel s'en prenne à son fils pour que l'apocalypse se déclenche, et qu'enfin il voie clair dans cette ténébreuse affaire.
Dans une interview, Olivier Bordaçarre dit qu'il a voulu raconter comment la panique s'empare d'une petite communauté, comment l'obsession sécuritaire prend le pas sur toute espèce de convivialité, comment les politiques locaux s'emparent de la situation pour tirer la couverture à eux. Et pourtant ce n'est pas cela qui m'a frappée en lisant ce livre. Bordaçarre a l'art de la description efficace, et j'ai plus d'une fois pensé au Flaubert de Madame Bovary (rien que ça) en le suivant à travers son exploration de ces êtres humains tout à fait comme les autres, capables du meilleur comme du pire, et plutôt du pire vu les circonstances... Une vision cruelle aussi de ces villes qui, pas assez près de Paris pour faire partie de la banlieue, trop près pour être des villes de province, se débattent entre ville et campagne, perdent leur identité, perdent leurs forces vitales sur fond de chômage et de licenciements. Une sensation étouffante, malgré l'humour vachard dont fait preuve l'auteur, un sentiment de malaise face à une société où un fait divers, fût-il en série, peut faire basculer une ville dans l'indicible. Tiens justement, j'ai aussi pensé à Jean-Pierre Mocky, celui de la grande époque, pré-machisme et pré-gâtisme, celui de La cité de l'indicible peur, ce film plutôt visionnaire réalisé en 1964 qui fait le portrait au vitriol d'une petite ville de province affolée par un criminel et par les exactions d'un monstre mythique. Pas de monstre néanmoins dans La France tranquille, quoique...
Olivier Bordaçarre, La France tranquille, Fayard noir
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