Suivant le conseil de notre amie Velda c'est avec gourmandise que j'ai regardé La proie (Cry of the City), de Robert Siodmak avec Victor Mature, Richard Conte, Shelley Winters et les autres... A chaque fois on se laisse envoûter par ces univers urbains en noir et blanc peints à grands coups d'ombres ciselées sur des visages burinés par la violence, la douleur ou la haine. Le scénario n'a rien de subtil, en gros c'est un face à face classique avec d'un côté le méchant truand (Richard Conte) et de l'autre le gentil flic (Victor Mature). Mais lorsque les deux personnages sont effectivement interchangeables, tant par leur physique que leur jeu, il y a certainement volonté de troubler le spectateur qui ne sait plus où son cœur fragile et palpitant doit nicher. Dans certaines scènes dans lesquelles le flic vient bavarder dans la cuisine de la mère du dur à cuire on en vient à se demander si ce n'est pas lui en effet qui est le fils indigne tant son aisance à pénétrer le milieu du crime est ambigüe.
D'ailleurs à la toute fin du film ce flic à la carrure d'acier issu lui aussi des bas quartiers n'hésitera pas à tirer froidement dans le dos du tueur qui pourtant s'en va très lentement en boitillant. Sans même un coup de semonce... juste "un arrête-toi" susurré dans un spasme douloureux. N'oublions pas que l'univers de ces films était contemporain de leurs auteurs et que l'histoire qui y est développée est le quotidien d'une Amérique en proie au gangstérisme et aux mafias en tous genres. Bien sûr le côté moralisateur est toujours un peu agaçant pour nous autres Européens laïcs. Notamment avec une inévitable scène larmoyante dans une église pour mêler un tant soi peu Dieu à tout ça, juste histoire de voir si une petite rédemption de dernière minute ne serait pas possible, même les démons peuvent aller au paradis si on leur montre le chemin... si, si ! Dans le côté brise-nerf il y a de quoi craquer avec le va-et-vient du petit frère du truand qui hésite entre le bien et le mal jusqu'à la dernière minute mais finira par tomber dans les bras du flic qui vient pourtant de flinguer son aîné. Dans ce film les personnages féminins restent plutôt en arrière-plan même si on a droit à quelques jolis visages dont celui de Shelley Winters qui n'avait pas alors encore vidé son réfrigérateur. Heureusement ces metteurs Hollywoodiens de la grande époque étaient aussi à la recherche du personnage novateur et ce film ne fait pas exception à la règle. Il me semble que c'est justement un second rôle féminin qui mérite la palme d'or de l'originalité. Celui d'une très méchante femelle, immense, lourde et particulièrement vilaine qui partage sa vie entre des massages thérapeutiques qu'elle pratique tout en muscles dans son officine et des attaques à main armée de vieilles dames riches pour leur voler leurs biens précieux avant de les étrangler de ses paluches immenses. En voilà une qui fait vraiment peur en contrepoint de la gentille et très amoureuse copine du tueur qui finira, comme les autres par le laisser tomber à la toute fin lorsque Mature avec sa bouche tordue, sa grosse voix profonde et son air patibulaire mais presque lui dira tout de go que la justice n'a pas besoin d'elle. Enfin pour les collectionneurs de belles images, celle qui restera dans les mémoires de films en films, la toute dernière scène dans la voiture de flic vue de dos avec marqué "Police" en gros sur le haut du capot est à tomber à la renverse. Certes c'était un bon polar du dimanche mais on est bien loin de la noirceur d'un Asphalt jungle ou du Faucon maltais. En tout cas c'est sympa que FR3 pense à nous en programmant cette série noire qui continue la semaine prochaine. Désolé mais je ne me souviens plus avec quoi !
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