1 juillet 2012

PD James s'invite chez Jane Austen avec "La mort s'invite à Pemberley"

Si vous avez eu le bon goût de regarder l'adaptation télé d'Orgueil et préjugés, de Jane Austen, diffusée par Arte il y a quelques semaines, le nom de Pemberley vous dit quelque chose. Même chose si vous avez lu le roman de la grande Jane Austen. Sinon, qu'à cela ne tienne : PD James, qui a eu l'audace de se faire plaisir en imaginant une suite policière au célébrissime roman, a la courtoisie de consacrer les premières pages de son nouveau livre à un rappel des faits. Ce roman s'adresse donc à tout le monde, et pas aux seuls "austeniens" d'entre nous. Même si cela aide d'aimer Jane Austen. Quoique, en y réfléchissant... Je vais vous dire la vérité : en reposant ce livre, j'ai éprouvé une étrange sensation. J'aime à la folie Jane Austen, j'aime PD James aussi. J'avais donc vraiment hâte de lire ce livre. Que j'ai lu très vite, avec beaucoup de plaisir, mais aussi un peu de frustration. Il me manque Jane Austen, il me manque PD James en fait...
A la fin d'Orgueil et Préjugés, les trois filles Bennet sont mariées, avec plus ou moins de bonheur. Les deux aînées, Elizabeth et Jane, avec ceux qu'elles aiment, Darcy et Bingley. La plus jeune, Lydia, avec un séducteur et escroc patenté, Wickham. Elizabeth et Jane vivent non loin l'une de l'autre, la première au domaine de Pemberley, la seconde dans une jolie maison moderne. Elizabeth et Darcy sont les heureux parents de deux petits garçons, bref tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais comme les gens heureux n'ont pas d'histoire, le drame survient sous la forme de l'assassinat d'un ami de Wickham, survenu dans le bois du domaine de Pemberley alors qu'il accompagnait Wickham et Lydia...
On sent l'amour que PD James voue à Jane Austen tout au long du livre, dans le respect avec lequel elle a traité chacun des personnages du roman. Elle a tout naturellement choisi le méchant parmi ceux qui, dans le roman d'Austen, avaient déjà failli causer la ruine de la famille Bennet. Et elle développe à sa manière très rigoureuse une intrigue sans faille, restant en cela fidèle à ses bonnes habitudes, même si on pourra peut-être regretter la complexité à laquelle elle nous a habitués. Chez Austen, l'écriture est volubile, parfois rêveuse, souvent pleine d'ironie. Et là, ce n'est pas le fort de PD James. Si Austen brosse de son époque un portrait complexe, brillant et critique, mais toujours un peu distant, malgré qu'elle soit contemporaine des faits, PD James a une approche de la société anglaise de l'époque fortement centrée sur son système judiciaire. On la sent passionnée par son sujet, au point de faire des Livres 4 et 5 du roman un authentique "procedural". Chez Austen, la peinture de son époque passe par les relations amoureuses entre les personnages, et par les subtiles et dures relations de classe de la société anglaise. PD James, elle, dévoile ces aspects froidement, en observatrice en quelque sorte. J'ai eu la sensation qu'elle n'était pas très à l'aise dans les passages consacrés à la vie privée des personnages. Elle raconte, elle décortique, elle établit les faits. Froidement. Là où Austen nous raconte à demi-mots la passion, l'amour, le désespoir, PD James met à plat, explique, rétablit la vérité. Un peu comme si elle était hors du monde. Et surtout elle consacre son énergie à examiner la question de la culpabilité, ou du sentiment de culpabilité, renouant ainsi avec ses romans antérieurs où ce thème joue invariablement un rôle considérable. Jane Austen, quand elle écrit Orgueil et préjugés, a 28 ans. PD James arbore fièrement ses 91 ans. Faut-il y voir la raison de cette impression de froideur et de distance qui émane des dernières pages, où elle nous offre, comme en urgence, quelques éléments romantiques en pâture pour satisfaire notre côté "midinette"?
Une lecture agréable, un roman respectable, mais au fond, un petit arrière-goût de manque.
P.D. James, La mort s'invite à Pemberley, traduit de l'anglais par Odile Demange, Fayard

1 commentaire:

  1. Même si j'aime "Orgueil et préjugés" et PD James, comme toi, je n'ai pas envie de lire ce livre, je n'aime pas beaucoup ce genre de suite, n'en voyant pas bien l'intérêt (ou n'étant peut-être pas assez fan...).

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