5 novembre 2012

"Fatale", redécouverte du roman le plus noir de Manchette

Fatale de Jean-Patrick Manchette avait jusqu'à maintenant échappé à ma quête des romans policiers des années 70 qui ont marqué l'histoire du polar. La chance était au rendez-vous en ce début de week-end avec une compil de cet auteur novateur proposée en 98 par France Loisirs et comprenant aussi Le petit bleu de la côte Ouest et La position du tireur couché. 90 centimes d'euros pour ce concentré de génie littéraire, cela impose du respect pour les Cash Converters qu'il ne me faudra plus négliger à l'avenir. Fatale est un petit livre par la taille, immense par le contenu (en ce temps-là on n'avait pas besoin de 800 pages pour faire frissonner le lecteur). En plus cette édition comporte une Postface de Jean Echenoz qui à elle seule mérite le détour.
En 5 pages à peine il accumule avec le talent qu'on lui connaît toutes les excellentes raisons qui ont fait du polar ma principale lecture. Pour ce qui est de Fatale qui en son temps fut considéré par les spécialistes du genre comme l'une des plus originales expériences de Manchette, il fera passer bon nombre de polars contemporains au rang de petites récréations. Le parcours d'Aimée est terrifiant et enivrant. Tueuse par circonstance puis par conviction, elle va de ville en ville en quête de gros porcs à exterminer, entendez par là de bons bourgeois gras et malhonnêtes comme il se doit, car l'argent provincial est forcément sale dans l'oeuvre de Manchette. La voici qui s'installe à Bléville, port de commerce et siège social d'une bourgeoisie qui ne demande qu'à être plumée et massacrée dans l'ordre qu'il lui plaira selon les circonstances. Rien ne l’arrête et lorsque le hasard aidant elle est confrontée à un acte manqué, entendez par là un coup de feu calibre 12 à gros plomb qui ne fait pas mouche, la victime y laissera tout de même des plumes. Les armes d'Aimée sont variées. A Bléville, où l'inscription GARDEZ VOTRE VILLE PROPRE est plus que prémonitoire, on meurt égorgé par une coquille Saint-Jacques, d'un coup de feu bien ajusté, pendu à un cable métallique, la tête écrasée entre deux coques de bateaux et j'en passe. Quand je pense qu'il y a des lecteurs qui aujourd'hui pensent encore qu'un polar bien noir nécessite un serial killer caricatural qui égorge au hasard de ses rencontres... Plongez-vous d'urgence dans la vie et l'oeuvre d'Aimée, fatale pour ceux qui la côtoient mais aussi pour elle-même.

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