16 novembre 2012

"Le troisième homme" de Graham Greene à lire d'un oeil averti !

En 1972 lorsque vous faisiez le plein dans une station Elf on vous offrait Le troisième homme de Graham Greene en livre de poche (les choses ont bien changé). Comme en atteste une mention sur la couverture de ce petit bouquin à couverture souple que je viens de lire d'une traite hier soir. Le roman qui est devenu un très célèbre film culte que tout le monde connait, ne serait-ce que par sa musique, est en réalité un long scénario destiné à l'origine, comme le précise l'éditeur dans sa préface, à être adapté au cinéma. Il s'agirait donc d'une novélisation avant l'heure. Ce texte de commande pour le cinéma et dont le cahier des charges comportait entre autres une ville occupée par les puissances victorieuses après la capitulation allemande, se doit pourtant de figurer dans la bibliothèque d'un polarophile car il comporte tous les ingrédients du genre.
Un mode narratif à la première personne, l'inspecteur chargé de l'affaire racontant les évènements en suivant l'ordre chronologique des faits. Une énigme soutenue puisqu'il y a disparition et enterrement du héros secondaire sur lequel va reposer l'affaire. Une enquête menée conjointement par la police et l'ami du défunt, à peine descendu de l'avion, qui va de rencontres fortuites en interrogatoires volontaires pour comprendre ce qui a pu causer la mort de Harry Lime, cet ami d'enfance victime semble-t-il d'un banal accident de la route mais dont on va découvrir la vraie personnalité au fur et à mesure de l'histoire. La présence de la femme fragile et énigmatique, une actrice désabusée sans talent, dont le héros, un écrivain de western bon marché, va évidemment tomber amoureux et pour finir quelques quiproquos amusants pour distraire le lecteur qui a à peine le temps de reprendre son souffle entre chaque chapitre. L'auteur applique à la lettre la théorie selon laquelle le lecteur ne doit pas en savoir plus que l'enquêteur du coup il y a identification et nous suivons les pas de Rollo Martin alias Buck Dexter jusqu'au dénouement final dans les égouts de Vienne dans la plus pure tradition du polar. La ville, personnage à part entière, est présente dans chaque scène avec une description journalistique des lieux dévastés par la guerre qui vient de se terminer. Mais Graham Greene n'est pas seulement un auteur de polar, cela se sent dans chaque ligne du roman. Ses personnages ont la profondeur d'un adepte de littérature même si l'énigme en elle-même repose sur un fait relativement simple mais dont les conséquences sont multiples et désastreuses. Il distille goutte à goutte les informations psychologiques indispensables à la compréhension de ses personnages, moins de dix en tout, afin d'amener le lecteur vers une maîtrise parfaite des faits. Le Troisième Homme (The Third Man - 1950) (adapté du scénario écrit par Graham Greene l'année précédente) est pourtant un vrai polar au sens noir du terme. Il en a le goût et la couleur et mérite sa place dans l'histoire de la littérature noire au même titre qu'un Hammett ou un Chandler même si le film l'a véritablement supplanté voire même fait passer à la trappe.
Fred

3 commentaires:

  1. J'ai découvert ce livre via le film que mon professeur d'histoire-géo de terminale nous avait projeté. J'avais tellement aimé le film, et sa musique obsédante, que j'ai voulu lire le roman, et je n'ai pas été déçue. Il a occupé la première place du classement de mes livres préférés pendant de nombreuses années.
    Merci d'avaoir fait un billet sur ce livre qui mérite d'être découvert.

    RépondreSupprimer
  2. Dear Prudence ;-)

    Merci pour ce commentaire, qui va m'encourager à écrire plus souvent sur des "classiques" et pas seulement sur l'actualité, parfois réductrice...

    RépondreSupprimer
  3. Oui, j'adorais les pleins d'essence chez Elf ou Total, à cette époque. Mes parents m'avaient également procuré "Dix petits nègres" et un roman de St-Ex ("Vol de nuit" ? dans les stations Elf. Il y avait également des Simenon. Bref, que du bon. Et grâce au réseau Total, un San-Antonio, "Béru au sérail" avait enrichi ma bibliothèque de pré-ado.
    "Le Troisième Homme" est en effet un roman-novélisation digne de figurer, malgré le film exceptionnel de Carol Reed, dans toute sélection drastique de bons romans noirs et d'atmosphère. Un roman daté et localisé, mais indémodable et universel.
    Ce livre captivant et bien écrit démontre qu'un grand écrivain est capable de produire de la qualité, même en peu de pages (court roman ou nouvelle).
    Un double chef d'oeuvre : le film et le roman.
    Très bon billet de Velda-Fred.
    JF

    RépondreSupprimer

Articles récents