1 novembre 2012

Vladimir Kozlov, Retour à la case départ : la Russie toute nue,

"Publié début 2010 en Russie, ce livre m'est particulièrement cher car il décrit la vie d'une personne de ma génération avec laquelle je peux m'identifier. Un livre avec de forts éléments de thriller, ce qui est nouveau pour moi. Ce livre est sombre, assez triste et décrit la réalité russe sans fard. Il est important parce qu'il décrit les relations que quelqu'un de ma génération peut avoir avec sa patrie. A un moment, il est confronté à un choix : rester à l'étranger ou rentrer à la maison. Et il choisit de rentrer. Le héros travaille dans un combinat métallurgique, il est le témoin d'une captation de ce combinat par des éléments étrangers de façon assez dure. Une réalité assez exotique pour le public français..."

Ainsi s'exprimait Vladimir Kozlov lors d'une rencontre organisée par la librairie du Globe début octobre 2012.

Retour à la case départ est un roman exigeant. D'abord parce que comme le dit Kozlov, ce qu'il raconte nous paraît particulièrement exotique, à nous autres Français confits dans la crise de l'euro... Ensuite parce que le roman est découpé en tranches temporelles qui s'échelonnent entre 1990 et 2006, ce qui exige une lecture attentive des têtes de chapitre datées, sous peine d'être complètement perdu... Le roman n'est pas linéaire temporellement, il ne l'est pas non plus en termes de lieux. Russie, Tchéquie, Biélorussie, Pologne, Alexei le héros est un peu comme le Petit poucet, il faut le suivre à la trace, courir après lui quand il fuit l'ogre. Une fois la règle du jeu comprise, tout roule... Enfin parce que le propos de Kozlov, éminemment punk, nous paraît étrangement daté, à nous qui pensions que le punk, ça s'arrêtait au début des années 80. A moins d'être russophile, on n'a pas idée de ce qu'ont traversé les Russes entre la Perestroïka, la chute du mur et aujourd'hui. En fait, l'idéologie punk du No Future, qui a connu son apogée ici en 1977, rétrospectivement, a trouvé sa terre d'ancrage en Russie jusque dans les années 2000. La musique a d'ailleurs une importance capitale dans le roman, tellement capitale que la "track list" figure en tête de chaque chapitre au même titre que la date et le lieu.
Du communisme au libéralisme sauvage et socialement sélectif, de la mafia rouge à la nouvelle pègre russe, le roman, froid, âpre et brutal, nous attache aux basques d'Alexei, jeune punk qui a fui son pays pour vivre de trafics divers dans les pays de l'Est. Puis, comme l'indique le titre du roman, Alexei décide de rentrer chez lui. Mais ça n'est pas si simple...
Dans la Russie des années 2000, les transactions économiques sont bien loin de l'image en col blanc que voudraient nous faire avaler les traders. Là-bas, le pouvoir se prend par la force...C'est en 2001 qu'Alexei, alors rédacteur du journal interne d'un combinat industriel, assiste à la prise par la force de son entreprise par un groupe adverse. On est loin des fusions et acquisitions... A partir de là, l'histoire va s'accélérer pour Alexei : compromissions, fuite, morts, ... Une aventure qui fait froid dans le dos, et dont le réalisme nous confronte à une situation dont les médias ont bien du mal à rendre compte. A tel point que j'ai fait l'expérience de confier ce roman à un homme d'affaires, réputé bien connaître la Russie, et lui ai arraché des protestations. Car on est là bien loin du politiquement correct et de la diplomatie ronronnante qui caractérise le business officiel.
Voir la bande annonce du roman.

Vladimir Kozlov, Retour à la case départ, traduit du russe par Thierry Marignac, éditions Moisson rouge

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