15 janvier 2013

Avec Eric Maneval, tentons le diable du côté de Rennes-le-Château

Par quel bout vais-je prendre ce roman? Pour en parler, veux-je dire, car pour le lire, je ne me suis pas posé la question. Je l'ai lu, vite mais bien, je l'ai savouré, il m'a fait:
  • sourire,
  • songer,
  • me souvenir,
  • frémir,
  • m'interroger.
Eh oui, Ken Bruen et ses listes ont encore frappé...
Je peux vous dire, ça n'est pas cher payer pour tant d'effets. Rennes-le-Château Tome Sang a une drôle de tête. Vous vous rappelez peut-être le précédent roman d'Eric Maneval, Retour à la nuit (chroniqué ici), avec sa couverture tout en ombres grises, d'une sobriété remarquable. Eh bien là, la couverture fait un peu penser à ces illustrés fantastico-horrifiques qu'on trouvait encore il y a quelques années chez les marchands de journaux. La couverture reproduit une statue qu'on peut trouver dans l'église de Rennes-le-Château, et qui représente le démon Asmodée. Plus explicite, on ne peut pas. Car ce roman est diabolique. Et délicieux.
Dans Retour à la nuit, Maneval avait choisi la sobriété extrême. Pas de détails futiles ni de descriptions inutiles, l'essentiel. Là, c'est une autre affaire! C'est bien simple, on dirait du Giono. Ou encore du Ramuz, en plus chaud et moins métaphysique. C'est drôle, rapide, inventif, chaleureux, moqueur, bref ça se boit comme du petit lait. L'histoire se passe à Rennes-le-Château, commune de l'Aude proche du pic de Bugarach connue pour l'affaire du trésor de l'abbé Saunière. Une affaire qui depuis la fin du XIXe siècle attire dans la commune des cohortes de chasseurs de trésor, de mystiques plus ou moins dingos, d'amateurs d'histoire parallèle. A vrai dire, le cas Saunière a même traversé l'Atlantique, puisque Dan Brown et son Da Vinci Code s'en sont inspirés, sans s'en vanter d'ailleurs... Le narrateur, JiPé, est libraire d'occasion - comme le fut M. Maneval - dans la ravissante ville de Quillan - ses maisons anciennes, son château cathare, sa bastide. Et il a l’œil... Bientôt, un jeune couple venant de Brocéliande en Bretagne vient s'installer tout près. Luc et Aurore, lui ancien pompier, elle diplômée en littérature et ex-éducatrice. Tous les deux ont fui un monde qui leur faisait du mal pour s'installer au soleil. Lui brave gars mais un peu fruste, elle ravissante mais un peu barrée, tendance Huysmans et quête du Graal. Drôle de couple... Lui se prend de passion pour l'histoire de Rennes-le-Château, et commence à accumuler livres et documents. Elle se retrouve enceinte, puis disparaît. Tout cela sous l’œil un brin goguenard de JiPé le libraire, qui profite de la situation pour récupérer à bon compte toute la bibliothèque de Luc, qu'il revendra aux gogos en goguette. Le JiPé est un bon gars au fond, il lui arrive même d'être un brin naïf, surtout quand il s'agit de la gent féminine. Sa culture est à peu près équivalente à celle de l'auteur, qui est grande.
Auteur qui nous gratifie tout au long du roman de pages retraçant le long cheminement de l'affaire Saunière, pages qui nous apprennent que le tout n'est qu'une gigantesque arnaque perpétuée après la mort de l'abbé par des intellectuels blagueurs à l'origine d'un canular, piège dans lequel tomberont de nombreux pigeons. Maneval nous réserve son lot de surprises : certains personnages ne sont pas vraiment ce qu'ils paraissent, certains événements ne se sont pas vraiment passés comme on le dit, certaines femmes rousses ne sont pas des anges... Il nous promène sans tricher, nous amène là où il veut, et nous plante là, tout seuls, nous laissant nous débrouiller avec vérités et mensonges, apparences et réalités. Bref, il ne nous prend pas pour des imbéciles et nous offre une belle occasion de lui montrer qu'il a raison, en achetant son livre par exemple.

Eric Maneval - Rennes-le-Château - Tome Sang, éditions Terre de brumes, collection Polars et grimoires.

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