9 février 2013

"7 Psychopathes", ça remonte le moral. Est-ce bien normal?

Il y a des films comme ça. Quand vous sortez de la salle de cinéma, un peu ébloui par la lumière du jour, vous avez un sourire idiot, vous vous rappelez les répliques, les mimiques, les situations... Un peu comme un bon whisky : vous sentez, vous buvez, puis vous savourez l'arrière-goût et la délicieuse petite brûlure qui vous descend le long du corps. Eh bien 7 Psychopathes, c'est exactement ça. Après son premier film magistral, Bons baisers de Bruges, le cinéaste d'origine irlandaise Martin McDonagh était attendu de pied ferme. Dramaturge prolifique, sa dernière pièce, A Behanding of Spokane, s'est montée à Broadway, avec dans les premiers rôles Christopher Walken, qui dans le film 7 Psychopathes tient sans doute un de ses plus formidables rôles, et Sam Rockwell qui s'en donne à cœur joie devant la caméra, dans le registre "allumé de première".
Alors voilà : Marty (Colin Farrell) est scénariste à Hollywood. Et il est en panne d'inspiration. Son prochain scénario n'a qu'un titre : Sept psychopathes. A part ça, pas l'ombre de la queue d'une idée. C'est embêtant... Et alors, à quoi ça sert les amis ? Marty a un ami, Billy, acteur en puissance et dingo affirmé. Un vrai ami, Billy, même s'il persiste à traiter la compagne de Marty de salope finie... Il lui faut des psychopathes, à Marty? Eh bien il va en avoir, mais pas des psychopathes en papier, qui font peur le temps d'un scénario, puis qui retournent dans leur boîte. Des vrais, des bien marteau. A commencer par le premier, qui sème la terreur chez les mafieux en éliminant un à un tous les bandits qui lui tombent sous la main. Masqué de rouge, il les abat froidement avant de laisser sur leurs cadavres une carte, un valet de carreau. Il en reste encore six à trouver... Pour Billy, ça ne pose aucun problème. Un psychopathe quaker? Allons-y : Harry Dean Stanton va faire l'affaire. Un psychopathe vietcong ? Fastoche ! Un psychopathe mafieux et amoureux de son chien ? Voilà ! Un psychopathe voleur de chiens ? Rien de plus aisé... Et un psychopathe tueur de psychopathe, ça n'est pas le fin du fin ça ? Si, surtout quand c'est Tom Waits, un lapin blanc sous le bras, qui joue le rôle.

Petit à petit, Marty se retrouve emporté dans un monde qui navigue entre fiction et réalité, et se rend compte que les psychopathes au cinéma, c'est du gâteau. Mais dans la réalité, c'est un brin difficile à gérer. Fiction, réalité, où s'arrête l'une, où commence l'autre? Bientôt, Marty ne sait plus trop, nous non plus, et on imagine Martin McDonagh, machiavélique, mort de rire derrière son ordinateur ou sa caméra... A moins que lui aussi n'ait cédé à cette folie totale, ce qui n'est pas totalement impossible. Le metteur en scène s'est offert un casting de rêve. Colin Farrell est parfait en benêt piégé entre le système hollywoodien friand de tueurs en série et sa soudaine volonté de vouloir faire un film moral, genre "peace and love". Sam Rockwell est la vraie révélation du film, son personnage d'acteur raté mais de psychopathe parfaitement réussi est hallucinant, et on se rappellera longtemps de son plaidoyer pour une vraie fusillade finale, un vrai truc de mecs, quoi! Christopher Walken est époustouflant en vieil amoureux voleur de chiens, dont l'écharpe de soie cache un tragique secret. Tom Waits joue un Zak étonnant, attachant et inquiétant à la fois. Woody Harrelson porte bien son embonpoint et sa calvitie, et il n'a pas beaucoup de mal à se donner pour camper ce gangster ultra-violent mais hyper-amoureux de son chien-chien.

McDonagh nous montre des malades mentaux hyper-violents qui ont autant de maturité qu'une bande de gamins de dix ans, nous fait rire devant les pires abominations, ose des dialogues à se rouler par terre. Et nous promène à tombeau ouvert entre fiction et réalité, entre son propre travail de cinéaste et les problèmes créatifs de Marty, sa créature ou son double. Il manipule avec virtuosité les ficelles des clichés, les utilise pour nous entortiller dans son histoire, puis il lâche le tout et nous laisse nous débrouiller, étourdis et incrédules, avec ce film qui nous rend heureux tout en nous embobinant royalement.

 A noter : une BO particulièrement croustillante, de Hank Williams à PP Arnold en passant par... Berlioz et Linda Ronstadt!

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