1 février 2013

"Le dernier souffle", de Denise Mina, reine de l'ombre

Pour patienter avant la sortie la semaine prochaine du nouveau Denise Mina, La fin de la saison des guêpes, j'ai envie de vous parler du troisième volume de sa trilogie Paddy Meehan, Le dernier souffle, paru en français en 2010 au Masque, et disponible en poche chez J'ai lu depuis 2011. Paddy Meehan, vous vous rappelez, la journaliste irlando-écossaise de Glasgow qui n'a ni la langue dans sa poche, ni froid aux yeux? Nous l'avons laissée, à la fin de La mauvaise heure, épuisée après avoir élucidé le meurtre d'une avocate de renom et semé un bazar sans nom dans le milieu glaswégien. Là, nous sommes en 1990 et Paddy s'est taillé une belle place d'éditorialiste au sein du Daily News. Elle a pris de l'assurance, est mère d'un petit Pete de 6 ans et vit avec son colocataire Dub, amant occasionnel mais ami indéfectible. Le père de Pete, lui, est un comique célèbre de la télévision, Burns, et vit ailleurs, avec sa nouvelle conquête. Paddy est une femme moderne, indépendante, forte. Et pourtant...
Ce samedi soir-là, Paddy est vautrée dans son fauteuil, devant la télé. Dub est, lui allongé sur le canapé, tout va bien. Ils s'apprêtent à regarder le show de George Burns. Pas du haut de gamme, mais enfin bon, c'est George Burns. La soirée ne va pas se passer comme prévu. Pour commencer, un jeune journaliste du Sunday Mail frappe à la porte. Il veut savoir si Callum va bientôt sortir de prison. Callum, le gamin meurtrier d'enfant que Paddy a contribué à envoyer en prison dans le premier volume de la trilogie, en 1981. Le  plumitif échappe de peu à une éjection en règle... Car le sort du jeune Callum, une fois sorti de prison, n'est pas enviable: à coup sûr, il va se retrouver avec une horde de journalistes à ses trousses. L'enfer pour un gamin qui vient de passer plusieurs années en prison, coupé du monde extérieur, et qui a commis un des crimes les plus haïssables... Pendant ce temps-là, Burns fait son show à la télé, et c'est lamentable. On frappe à nouveau à la porte - c'est la police. Quelqu'un est mort. Terry est mort, Terry, ancien compagnon de Paddy, mentor, grand reporter, solitaire, qu'elle n'a pas vu depuis des lustres. Terry s'est tiré une balle dans la tête, et c'est elle, Paddy Meehan, qu'il a notée comme personne à prévenir en cas de malheur...
Voilà, les faits sont là, et c'est de là que va partir une histoire compacte, construite, admirablement mise en scène, qui ne laisse pas de répit au lecteur. Terry, suicidé? Non, bien sûr... Sauvagement assassiné plutôt. Tout comme le sera, un peu plus tard, le photographe avec qui il s'apprêtait à publier un beau livre de photos commentées. Des photos prises à New York, de beaux portraits d'êtres humains. Paddy y trouvera-t-elle la piste du tueur? Et au cœur de l'intrigue, un activiste irlandais, puissant homme de l'ombre, dangereux et menaçant...
Denise Mina maîtrise parfaitement son histoire, elle sait aussi nous propulser très vite dans les lieux et l'époque. Son portrait du monde du journalisme, avec ses personnages qui ne sont jamais des clichés, est fascinant. Denise Mina est la reine de l'ombre, de l'ambiguïté, l'ennemie résolue du manichéisme, la meilleure amie de la subtilité.  Nous offrira-t-elle un jour un nouveau volet de cette série vraiment attachante ? Le personnage de Paddy, en prenant de l'âge, a aussi gagné en profondeur et en vulnérabilité. Sa relation fusionnelle avec son fils, son alliance ambiguë avec Dub, lui confèrent une complexité et une puissance émotionnelle vraiment prenantes. Nous n'avons pas envie de la quitter, Paddy Meehan, et on se demande comment elle vivrait les années 2000.
Denise Mina, Le dernier souffle, Le Masque et J'ai lu, traduit de l'anglais par Oristelle Bonis
Nos autres chroniques des romans de Denise Mina, et une interview en prime

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