Dans Quelque chose pour le week-end (voir chronique ici), Sébastien Gendron mettait à mal quelques pingouins. Dans Taxi, Take off and Landing, il s'en prend aux blondes à gros derrière, à James Bond, et surtout à son héros, Hector Malbarr, un pleutre de première dont on fait la connaissance à l'aéroport de Copenhague, au VIP Lounge s'il vous plaît. Cet homme au nom improbable attend. En principe, sa future femme, la blonde Glenda partie récupérer son bagage à main resté dans l'avion. En fait, il ne le sait pas encore, mais il attend que ça bouge. Parce que la Glenda, qu'il va épouser, là, dans quelques jours, eh bien ça fait déjà un moment qu'il en a marre. Elle a beau avoir un gros compte en banque, et lui avoir donné des habitudes de luxe, en fait il ne la supporte plus, Glenda et sa mollesse, ses jérémiades, son horreur de l'avion, du cinéma, du train. A vrai dire, on le comprend un peu, l'ami Hector.
Qu'à cela ne tienne, voila qu'arrive Angie. Grande, brune, sculpturale, bronzée, la lèvre brillante. Hector se transformerait en loup de Tex Avery s'il n'était pas si lymphatique. Angie s'avance vers lui, s’assoit sur le rebord de son siège et lui passe la main dans les cheveux. On dirait bien qu'elle est contente de le voir. Et même, elle l'appelle Djine. Et elle lui apprend, en gros, qu'il est amnésique, qu'elle est sa fiancée et qu'ils vont embarquer dans quelques minutes pour Miami, d'où ils s'envoleront pour rejoindre Lamb Island, où ils resteront jusqu'au mariage. Bon. Angie embrasse Hector, et ça fait des étincelles chez notre héros. Miami, Lamb Island ? Ok, c'est parti... pour une histoire aussi rocambolesque qu'absurde, à mi-chemin entre la pataphysique et le film d'aventures pour garçons. Et on aime ça !
Parce que Sébastien Gendron est irrésistible, drôlissime, et qu'il a beau nous raconter absolument n'importe quoi - son arrivée sur une île peuplée de vieilles machines à moitié rouillées, son accueil par son futur beau-papa au nom de médicament, Taburiak, ses galipettes avec la soubrette du coin... Hector joue le jeu, fait très bien l'amnésique, et pourtant bientôt la belle Angie s'éloigne, s'éloigne... et son père se fait de plus en plus menaçant. Et qu'est-ce qu'ils ont à l'appeler Djine? Pour qui le prennent-ils à la fin? Pour un otage, clairement. Hector-Djine a été enlevé. Par qui? Pourquoi? Je vous laisse le soin de le découvrir à l'issue d'un récit délectable. Et pendant ce temps-là, la pauvre Glenda, fiancée abandonnée, supplie son père de l'aider. Sébastien Gendron adore la langue - non, il n'y a pas de jeu de mots, quoique... - et il sait s'en servir, la triturer en tout bien tout honneur (quoique!), il adore laisser fuser ses idées les plus délirantes, il sait, mine de rien, vous construire une intrigue aux petits oignons tout en vous arrachant des "oh" d'étonnement, des "ah" de réminiscence face à ses références littéraires et cinématographiques sans ostentation mais qui visent parfaitement juste, des "hé" d'incrédulité, et finalement un énorme soupir de bonheur. Il sait vous transformer un anti-héros trouillard et franchement pas très sympathique en un héros à l'ancienne, qui se bat comme un beau diable pour échapper à des vilains plus méchants que nature. Il sait vous redonner le goût du récit d'aventure, vous rendre complice de ses turpitudes littéraires. Allez, un petit paragraphe pour goûter?
Je ne parlerai pas de ses seins ni du reste de ce corps customisé pour les plus grandes compétitions internationales de gréco-romaine sur matelas, parce que je refuse de laisser traîner trop de traces de ces instants humides qui, après tout, ne regardent que moi et risqueraient, au-delà du cercle intime, de placer ce texte dans une catégorie qui lui serait dommageable. Je me contenterai donc d'un hiératique : "Nous baisâmes comme une paire de crabes entre deux marées hautes."
Sébastien Gendron, Taxi, Take off and Landing, Baleine.
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