Photo de Ian Watson, Studio Scotland |
Le sergent Anna Cameron vient de prendre son poste à Glasgow, plus exactement à la "Flexi", une brigade polyvalente d'intervention où flics en civil et policiers en uniforme travaillent main dans la main, en principe. L'accueil est frisquet : il ne fait pas toujours être bon être une femme dans la police, où le machisme a encore de beaux jours devant lui. Dès les premières pages, le ton est donné. Anna n'a pas la langue dans sa poche, elle ne se laisse pas faire, et elle conseille aux femmes menacées d'une agression ou d'une "incivilité" de cesser de se comporter comme des victimes, mais au contraire d'y aller franco : "Rotez, pétez, curez-vous le nez ! Osez le truc auquel il ne s'attend pas. Déstabilisez l'ennemi, vous gagnerez du temps." Suis-je assez claire ?
La "flexi", c'est une équipe de 4, elle comprise, avec une femme et deux hommes. Tout ce petit monde travaille sous la férule du superintendant Rankin (eh oui!), un gars de la vieille école. Et puis pas très loin, il y a Jamie. Jamie, le flic avec qui elle a vécu une aventure et qui l'a quittée sans un mot pour épouser Catherine Forbes, flic elle aussi. L'amour-propre d'Anna en a un pris un coup, et ses sentiments aussi. Aujourd'hui, elle entretient une relation plus qu'intermittente avec un certain Martin, haut placé dans l'administration. Mais Jamie, quand même, il est encore bien séduisant, même s'il aujourd'hui marié et père de famille. Une femme célibataire, qui a vite grimpé dans la hiérarchie, plutôt jolie : Anna a tous les atouts pour se faire détester... En plus elle ne fait pas dans la diplomatie. Anna commence par se mettre à dos la jeune Jenny Heath, qui a passé cinq ans sur le terrain, à la brigade Femmes et mineurs, et qui n'a pas beaucoup de respect pour ce sergent parachuté de la Direction des services.
L'ambiance est chaude à la Flexi. Priorité : identifier et retrouver le malade qui écume le Drag, quartier chaud de Glasgow, semant derrière lui des prostituées atrocement défigurées. Problème : dans le Drag, c'est la loi du silence, du mensonge et de la peur. Il faudra l'assassinat d'un vieux Polonais, bien connu - en apparence - des services de police pour délier les langues, petit à petit. De putes en dealers, de rondes de nuit en guet-apens, d'escapades avec Jamie en agression violente, Anna aura vite fait de faire ses classes. Et de mener de front ses démêlés amoureux et cette enquête bien tordue au cours de laquelle Karen Campbell fait preuve d'une belle énergie, d'un don pour la description proprement épatant et d'une force évocatrice rare. Si pour vous Glasgow est la ville de la culture, vous allez vite déchanter. Ajoutez à cela une authenticité et un sens du récit qui sentent bon le vécu, et vous obtenez un roman formidable, à peine effleuré par quelques erreurs de jeunesse, peut-être, dans le développement de l'énigme, largement compensées par une sensibilité et une humanité revigorantes malgré la noirceur du propos. Sans compter qu'une policière femme crédible et attachante, ça ne court pas les rues !
Karen Campbell, Trottoirs du crépuscule, traduit de l'anglais par Stéphane Carn et Catherine Cheval, Fayard noir
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