12 juillet 2013

Jo Nesbo parle au "Telegraph"

Le Telegraph publie aujourd'hui une interview en vidéo de Jo Nesbo. De la genèse du premier livre à la technique d'écriture, cette série de questions-réponses nous en apprend beaucoup sur l'auteur du Bonhomme de neige, qui devrait être adapté à l'écran par Martin Scorsese. Voici la transcription en français. 
Première partie
L'idée de L'homme chauve-souris ne s'est développée qu'à mi-chemin de l'écriture. C'était le premier livre que j'écrivais, j'allais en Australie à l'époque, en 1997. Je voulais écrire, mais je n'avais même pas en tête l'idée que ce serait publié.

En fait, je voulais envoyer le manuscrit aux éditeurs pour avoir un retour, leur avis. Alors quand ils m'ont dit qu'ils voulaient le publier, ça été un choc. "S'il vous plaît, vous voulez bien me le renvoyer, pour que je le retravaille?", voilà ce que je me disais. Je sentais bien qu'il y avait quelque chose, j'avais deux bons personnages, dont Harry Hole. Je savais qu'il fallait que je termine cette histoire. J'étais conscient que j'avais une sorte de talent, je savais que ce n'était pas horrible, mais sûrement pas que ce serait publié. En fait j'avais une certaine expérience de l'écriture, j'avais écrit des articles, des paroles de chansons, je n'étais pas tout à fait un néophyte. Donc je séjournais en Australie pendant 5 semaines, et j'ai écrit.J'étais un homme heureux. Pourquoi un roman policier ? J'avais vu tous mes amis essayer d'écrire un roman littéraire ambitieux, et aucun n'était arrivé à le terminer. Alors je me suis dit que j'allais faire quelque chose de plus simple : un roman policier. Puis je me suis rendu compte qu'en fait, j'aimais vraiment ça. Il y a dans le roman policier cette sorte de dialogue avec le lecteur qui est très précieux. Il y a un contrat : l'auteur est censé jouer un tour au lecteur, le mystifier. J'aimais bien ce jeu. Le Harry que le lecteur découvre dans L'homme chauve-souris est le même que celui qu'on retrouve plus tard, sauf qu'il n'est pas vraiment arrivé à maturité. Dans ce premier livre, je ne le connais pas bien. Je voulais qu'il soit comme un caméraman qui filme l'histoire. Mais quand j'ai relu le roman, je me suis aperçu que ses principales caractéristiques étaient déjà là : c'était déjà un type solitaire, alcoolique, romantique, cynique. Mais il a fallu attendre Rouge Gorge pour que je sache vraiment qui il était. Je ne sais plus très bien par quoi j'ai commencé, l'intrigue ou le personnage. Je crois que c'était le personnage. Il a été conçu dans l'avion entre Oslo et Sydney, et il est né deux semaines plus tard. Quant à l'intrigue, elle a changé plusieurs fois pendant le processus. Aujourd'hui, je planifie davantage, et j'essaie de me tenir à mon plan. Mais à l'époque, j'avais tellement hâte de commencer à écrire! Je suis arrivé à Sydney, je suis entré dans ma chambre d'hôtel et je me suis jeté sur mon ordinateur. J'ai décidé de situer le roman en Australie parce que j'étais  en Australie. Si j'étais allé au Danemark, ça se serait passé au Danemark. Je marchais dans Sydney, et je me servais des lieux que je découvrais. En fait c'est Harry qui me suivait plutôt que le contraire. Partout où j'allais, Harry allait aussi.


Deuxième partie
Je ne pensais vraiment pas que L'homme chauve-souris serait publié. A plus forte raison, je ne pouvais pas imaginer que ce serait le premier d'une série, et je ne l'ai pas conçu pour ça. Quand j'ai démarré l'écriture de mon deuxième livre, il a fallu que je me décide. Reprendre Harry ou créer d'autres personnages. J'ai choisi  de garder Harry, ce qui était une sage décision. En tant que personnage, il avait beaucoup à me donner. L'idée de départ, ça peut être n'importe quoi : une scène, un personnage... Pour Le bonhomme de neige, c'était le titre. Je suis parti du titre. Une fois que j'ai l'idée, j'en ajoute d'autres, puis des scènes que j'essaie de relier entre elles. Ensuite je fais un premier synopsis de quelques pages, puis un deuxième de vingt pages, puis un troisième d'une centaine de pages dans lequel je mets quelques dialogues. Après, c'est plus simple : je n'invente pas, je raconte mon histoire, mais il faut que l'écriture soit parfaite, il ne faut pas que j'abîme mon histoire. J'adore cette idée : quand j'écris le chapitre 1, c'est comme si je m'asseyais en face de mon lecteur. Je me penche vers lui et je lui dis: "J'ai une histoire formidable à te raconter. Fais-moi confiance."
J'aime bien écrire dans les aéroports. J'aime ce sentiment de faire deux choses en même temps : travailler et attendre mon avion. Et puis dans un aéroport, l'environnement change tout le temps. Les gens partent, arrivent, il y a une sensation d'urgence. Plus les choses bougent autour de moi, plus je dois me concentrer sur l'écriture, et j'adore ça. Un café, de la musique, c'est tout ce dont j'ai besoin. Et si l'avion a deux heures de retard, je suis content!
Donner des conseils à ceux qui veulent écrire ? Je ne suis pas sûr que j'en ai envie. On ne sait jamais : si les conseils sont vraiment bons, ils pourraient être meilleurs que moi ! Je leur dirais : n'écrivez pas de roman policier. Ecrivez autre chose. Ou mieux encore : n'écrivez pas. Faites des films.

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