10 juillet 2013

Stories of the Dogs : 22 auteurs de roman noir rendent hommage à Dominique Laboubée, leader des Dogs

Et si on parlait musique ? Non, vous ne vous êtes pas trompé d'adresse, car dans cette musique-là, il y a du roman noir qui sommeille. En 1973 naissait à Rouen un groupe de rock devenu légendaire, les Dogs. Avec, au chant et à la guitare, Dominique Laboubée. En 2001 sortira le dernier album des Dogs, un double live baptisé Short, fast and tight. Et en 2002, le groupe s'embarque pour une tournée américaine. Lors du premier concert new-yorkais, Dominique Laboubée fait un malaise. Il mourra deux jours plus tard à 45 ans d'un cancer du poumon foudroyant. Pendant 30 ans, les Dogs auront défendu un rock authentique, sobre et coupant, élégant et racé, à coups de concerts mémorables et de 10 albums précieux. Pour beaucoup, ils auront été le meilleur groupe français, exigeants, puristes et magnifiquement intransigeants. Dans la musique des Dogs, c'est sûr, il y avait de la graine de roman noir. Une vidéo de Too Much Class for the Neighbourhood :



La preuve : les éditions Krakoën, en 2008, publiaient la première édition de ce recueil de nouvelles en hommage à Dominique Laboubée. Les nouvelles éditions Krakoën viennent d'en sortir la deuxième édition, c'était une belle occasion de reparler de ce livre pour lequel 22 auteurs ont choisi chacun un titre des Dogs en guise de source d'inspiration. Et chaque auteur s'en sort avec les honneurs, comme si la musique du groupe rouennais épousait tout naturellement les histoires sombres, parfois cocasses, souvent émouvantes, qu'ont concoctées les auteurs dont beaucoup sont bien connus des amateurs de polar. Thierry Crifo a pris Gone gone gone comme bande originale pour un texte plein de tendresse et d'amertume qui met en scène un vieux rocker en fauteuil roulant, qui vient d'obtenir une permission de sortie de sa maison de retraite, et qui en profite pour escalader la Butte Montmartre. C'est la fête de la musique ce soir-là, et sa rencontre avec un groupe de jeunes musiciens plutôt doués lui offrira sans doute un des derniers bonheurs de sa vie. Pierre Mikaïloff, lui, a choisi I wanna win pour camper, en quelques pages, un univers bancal et américain, une histoire de ratage phénoménal, avec des personnages de losers particulièrement bien vus. Max Obione, sur fond de Poisoned town, nous emmène à Rouen, quoi de plus normal, le jour de l'enterrement de Dominique Laboubée. Et ses deux personnages de paumés magnifiques, brisés par la vie, si décevante, et pleins de souvenirs flamboyants, nous arracheraient bien une larme... Jean-Hugues Oppel, illustre Waiting for a miracle en nous faisant le cadeau... d'une chanson nommée Pas de miracle. Jean-Bernard Pouy, dans Too much class for the neighbourhood, raconte l'équipée cocasse d'un groupe de rock normand égaré à Mont-de-Marsan en août 1978, l'année du fameux festival punk. Manque de chance, il n'y a pas que des punks à Mont-de-Marsan : il y a aussi des paras et des taureaux en liberté. Racontée dans le style inimitable de Pouy par le roadie/ange gardien du groupe, l'aventure, savoureuse, se termine par une bataille dérangée entre paras et punks. Patrick Raynal, dans Dead Girls don't Talk, nous la joue déjantée, avec femme fatale en prime, détective privé et suicide suspect. Et ça marche. Romain Slocombe, dans I'm just loosing that girl, nous glisse dans la peau d'un étrange bonhomme. Qui lit dans un jardin public, à Rouen, près de l'abbatiale Saint-Ouen. Un homme qui cherche, qui "la" cherche. Et qui finit par la trouver. Définitivement. L'air de rien. Quant à Marc Villard, dont la nouvelle clôt le recueil, avec Back from Nowhere, il  nous cueille avec une histoire de famille bien glauque et bien cruelle, sur fond de Nirvana et de Dr Feelgood. Une seule femme dans ce recueil, Annelise Roux qui, dans Mon cœur bat encore, choisit de tourner le dos à la fiction, avec un texte qui sent le vécu, un texte qui dit le désarroi des compagnes de rockers, l'hypocrisie et l'irresponsabilité de leur entourage, la difficulté de vivre cette vie-là, et surtout le silence qui entoure tout ce qui pourrait "écorner la légende du rock". Gonflé, mais prenant.

Stories of the Dogs se lit vite, de préférence en musique, avec de la nostalgie, de la tendresse, de la colère parfois, un sourire au coin des lèvres de temps en temps. Et du désenchantement aussi. Il existe également un double CD, compilation hommage à Dominique Laboubée, qui porte le même titre, et où différents artistes interprètent la musique de Dominique (avec, entre autres, Elliott Murphy, Frandol, Jérôme Soligny, Johan Asherton, etc.)

Stories of the Dogs - Histoires pour Dominique - 22 nouvelles inédites réunies par Frédéric Prilleux : Luc Baranger - José-Louis Bocquet - Thierry Crifo - Alain Feydri - Denis Flageul - Gekko Hopman - Jean-Noël Levavasseur - Jean-Luc Manet - Pierre Mikaïloff - Mathias Moreau - Max Obione - Jean-Hugues Oppel - Michel Pelé- Gilles Poussin - Jean-Bernard Pouy - Frédéric Prilleux - Patrick Raynal - Emmanuel Rimbert - Annelise Roux - Romain Slocombe - Eric Tandy - Marc Villard
Nouvelles éditions Krakoën

2 commentaires:

  1. Chère Velda, merci pour ce papier. Pour être juste, il faut citer aussi les deux artisans initiateurs du projet Dogs à savoir Jean-Noël Levavasseur et Frédéric Prilleux. Ce recueil est le premier d'une série de recueils de nouvelles ayant pour héros : les Clash et les Doors (Buchet-Chastel), LSD et Béruriers Noirs (Camion Blanc),... récemment Krakoen a édité Stories of Little Bob. Jean-Noël Levavasseur étant le grand ordonnateur de ces projets.

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  2. Merci, cher anonyme, pour toutes ces précisions.

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