10 août 2013

William McIlvanney interviewé par Ian Rankin : je l'ai rêvé, Harrogate l'a fait.

Le clou du festival de Harrogate, pour moi bien sûr mais aussi pour les... 600 personnes venues assister à la rencontre Ian Rankin / William McIlvanney. La veille au soir, Ian Rankin se demandait qui allait bien pouvoir se lever aux aurores pour l'événement... Les romans de William McIlvanney étaient indisponibles depuis plusieurs années quand la maison d'édition Canongate d'Edimbourg a enfin décidé d'en sortir une nouvelle édition. Ian Rankin, qui revendique depuis longtemps l'influence de McIlvanney, Val McDermid, qui l'appelle "le Clark Gable écossais", étaient donc ravis et émus d'accueillir le grand homme à Harrogate cette année. Et nous donc... Malgré l'heure matinale (9h00 un samedi), les deux auteurs sont en pleine forme, et vont laisser s'exprimer leur verve et leur amitié. Un vrai grand moment. Une petite précision : à 9h00 du matin, accent d'Edimbourg + accent de Glasgow (le plus rude qui soit, d'après une amie anglaise), s'ils furent un délice à écouter, ont mis à rude épreuve les capacités d'adaptation de mes pauvres oreilles françaises...  Pas d'inquiétude : tout ce qui figure dans le texte ci-dessous a été dit, croix de bois croix de fer.
Ian Rankin commence par évoquer avec William McIlvanney son litige bien connu avec la chaîne de télévision à laquelle ce dernier avait proposé son Laidlaw pour une série policière.
WM : "Le producteur m'a invité à déjeuner pour me parler de ce qu'il allait faire de mon Laidlaw. Plus de nouvelles. Sept mois plus tard, il était à la tête des programmes. Et Taggart est arrivé sur les écrans. La seule différence avec mon Laidlaw, c'était la position du corps...J'ai bien pensé à attaquer. Mais mes amis m'ont dit que cela prendrait des années, que cela me coûterait cher, et que si je perdais, je finirais ruiné. J'ai renoncé... Du coup, quand ma mère voyait un épidose de Taggart qui démarrait, elle jetait un objet sur la télé. Ç’a été  une bonne leçon...
IR : On m'a dit que le nom de Taggart avait été trouvé au cimetière.
WM : Oui, il y avait une tombe au nom de Taggart et une au nom de Laidlaw dans ce cimetière!
Même Sean Connery était intéressé par le rôle de Laidlaw, mais ça n'a pas abouti. Il m'a appelé. Je n'y croyais pas... Il voulait qu'on se rencontre au zoo d'Edimbourg. On s'est installé au café, la serveuse s'est approchée de lui et lui a dit : "Vous êtes bien celui auquel je pense?" Il a répondu non, et voilà."
IR : Vos premiers romans n'étaient pas des romans policiers. Ils ont remporté de nombreux prix littéraires. Qu'est-ce qui vous a fait bifurquer?
WM : Comme Jeanne d'Arc, j'ai entendu une voix. Une voix d'homme. Pour raconter ce que je voulais raconter sur Glasgow, pour explorer ses côté les plus sombres et les plus violents, il me fallait un détective qui puisse avoir accès à tous ces milieux.



IR : Le troisième volume est écrit à la première personne, alors que les deux premiers le sont à la troisième personne. Pourquoi?
WM : Pour moi, ce livre-là ressemblait à un voyage personnel. En plus, il n'y a pas de meurtre, mais une mort accidentelle. La première personne me semblait plus adaptée pour raconter une histoire aussi intime.
IR : Je me rappelle qu'à l'époque où ce livre est sorti, je vous ai écrit pour vous demander si je pouvais écrire moi aussi mes prochains romans à la première personne. Vous n'avez pas répondu. Alors j'ai gardé la troisième personne...  Pensez-vous avoir dépeint une sorte d'éternel masculin à travers vos romans?
WM : Peut-être bien... Mais ce qui est important, c'est que j'écris sur une époque où la police se déplaçait en bus. En bus, vous imaginez ? Pas d'ordinateurs, pas de portables. En fait mes livres sont des romans historiques maintenant, ils rendent compte des changements qui ont affecté la vie à Glasgow. En réalité, plus que des romans policiers, ils sont un hommage à Glasgow. 



Après avoir lu un extrait des Papiers de Tony Veitch, William McIlvanney, interrogé sur ses projets, avoue qu'il en a beaucoup trop, et qu'il est le champion des projets non terminés. Parmi ces derniers, un prequel de Laidlaw. En effet, il lui paraît impossible de ramener le personnage de Laidlaw dans le monde moderne. Mais pour lui, un auteur a toujours dans sa cave une sorte de chimère, le projet de sa vie, celle qui dira exactement ce que l'écrivain veut dire.

A quoi Ian Rankin répond en citant Iris Murdoch : "Chaque roman est le naufrage d'une idée parfaite".


Interrogés par le public sur la capacité du roman à rendre compte des événements contemporains, les deux auteurs s'accordent à dire qu'il faut du temps pour laisser mûrir la réalité, et du recul pour en tirer de la profondeur.

Les trois romans de la série Laidlaw, Laidlaw, Les papiers de Tony Veitch et Etranges loyautés, sont disponibles chez Rivages / Noir
Les romans de Ian Rankin sont disponibles aux éditions du Masque, ainsi qu'en format de poche

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