30 novembre 2013

Laurent Guillaume : Black Cocaïne et nuit blanche

Laurent Guillaume m'a eue. Nuit presque blanche avec son nouveau roman, Black Cocaïne. Nous sommes au Mali, à Bamako, en 2009. Souleymane Camara, dit Solo, ex des Stups français, métis de mère française et de père malien, s'est installé à Bamako après une grave embrouille qui l'empêche de revenir en France, et après avoir perdu sa femme et son enfant dans des circonstances particulièrement violentes. Aujourd'hui, il est détective privé et vit plutôt bien de ses enquêtes "adultères et divorces". Il habite avec le vieux Drissa, son "gardinier", son seul ami. Entre en scène la très belle Faten Tebessi, avocate en France, venue faire libérer sa soeur Bahia qui a eu la mauvaise idée de jouer les mules pour des trafiquants et, pire encore, de se faire prendre. Jeu d'enfant pour Solo qui a ses entrées dans la police et chez les officiels. Las, Bahia n'aura pas le temps de profiter de sa liberté toute neuve : 24 heures après sa libération, on la retrouve morte, la gorge tranchée. Un peu beaucoup, se dit Solo, pour une simple mule. Effectivement. C'est parti pour une puissante aventure noire et chaude.
Solo n'est pas né de la dernière pluie : il sait qu'il a à faire à forte partie. Mais il n'a plus grand-chose à perdre, et de sérieux comptes à régler avec ceux qui ne se sont pas contentés d'éliminer une mule un peu encombrante. Entre bakchiches et corruption à grande échelle, le Mali est décrit comme un pays en pleine déliquescence politique, ce que viennent confirmer les récents événements. Solo a pour ce pays qui est devenu le sien les yeux du métis qu'il est : à la fois lucides et amoureux. Laurent Guillaume écrit à la première personne et au passé simple : et ça marche. On voit l'histoire avec les yeux de Solo, on partage ses souvenirs, ses colères et ses douleurs. Il faut dire que question douleurs, l'auteur n'est pas avare de ses efforts. Les scènes de violence vont jusqu'au bout, ne nous épargnant aucun détail.L'écriture est économe, sans affèterie, sans complaisance, dépourvue des effets faciles auxquels se laissaient volontiers aller les auteurs d'autrefois, spécialisés dans "l'aventure exotique". Alors c'est vrai, c'est un roman "viril", en ce que les femmes, quand elles n'y meurent pas, sont des bombes de séduction. On saura gré à Laurent Guillaume d'avoir réussi "sa" scène de sexe : d'autres s'y sont laissé prendre, voire ridiculiser. Mais l'intrigue, si elle reste classique, se prête bien à la course poursuite à laquelle va se livrer Solo, à ses arrêts improvisés dans des hôtels minables, aux pièges dans lesquels il va forcément tomber, aux retournements de situation "in extremis" qui vont lui sauver la mise au moment où il sera aux prises avec d'horribles mafieux sans scrupules et sans miséricorde... Et le regard de l'auteur sur ce Mali qu'il connaît bien donne au roman une humanité et un réalisme particulièrement prenants.
Laurent Guillaume, Black Cocaïne, Denoël "Sueurs froides"

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