28 novembre 2013

Le deuil et l'oubli, de John Harvey : par-delà la mort, le chagrin et le souvenir

John Harvey est surtout connu pour sa série qui met en scène l'inspecteur Charlie Resnick, flic à Nottingham. Et pourtant, pour mon deuxième Harvey, je suis tombée par hasard sur le deuxième roman de sa série située à Cambridge et dont les protagonistes sont l'inspecteur Will Grayson et sa fidèle (pas tant que ça...) Helen Walker. Si l'on en croit la presse, il s'agit là du centième roman de John Harvey. Pour cet anniversaire, c'est l'auteur qui nous fait le cadeau d'un roman riche, foisonnant, subtil et émouvant.
En 1995, Ruth et Simon Pierce, heureux parents londoniens de la jeune Heather, une dizaine d'années, hésitent beaucoup à laisser partir la petite en vacances avec sa meilleure amie, Kelly. car les parents de Kelly n'ont pas "la carte", comme on dit. Il faut préciser que Ruth et Simon ont un petit côté bobo et politiquement correct peu compatible avec la famille de Kelly, braves gens un peu vulgaires, qui partent en vacances en Cornouailles en caravane avec leurs deux enfants, Kelly et son frère aîné Peter. Ruth et Simon finissent par céder : après tout, cet interlude leur donnera l'occasion de se retrouver tous les deux et de partir quelques jours en France, en amoureux. Heather ne reviendra pas de ses premières vacances sans sa famille. Un soir, les deux filles décident d'aller se promener jusqu'à une petite plage isolée, sous la houlette de Peter qui a pour mission de veiller sur elles. Mais un épais brouillard se lève, les deux petites se perdent. Kelly est retrouvée frigorifiée chez un habitant de la région qui l'a recueillie, Heather, elle, est découverte morte, après une mauvaise chute. L'enquête conclut à un malheureux accident. Ruth et Simon, eux, ne se remettront jamais : entre douleur et culpabilité, la vie devient invivable.

En 2009, on retrouve Ruth, séparée de Simon, remariée avec Andrew, et mère d'une petite fille, Beatrice. La famille vit près de Cambridge. En apparence, tout est rentré dans l'ordre. Sauf que, régulièrement, Ruth voit Heather, lui parle... Simon, de son côté, est resté seul, et ne va pas bien. Ce fragile équilibre bascule le jour où Béatrice disparaît à son tour. Entrent alors en scène Will Grayson et Helen Walker, qui vont avoir la tâche difficile de rapprocher 1995 et 2009, de comprendre ce qui est vraiment arrivé à Heather, et surtout de retrouver Beatrice avant que l'innommable se reproduise. Dans le cours de l'enquête, ils vont découvrir l'existence d'un véritable tueur et violeur en série, qui s'en est pris à plusieurs filles de la région. Beatrice est-elle sa nouvelle victime ?

Le roman s'ouvre sur deux pages où John Harvey se débrouille, en toute sobriété, pour planter tout le décor, et surtout nous présenter Ruth, qui est sans doute le personnage principal de ce roman. Cette femme fragile, pleine de larmes, qui échange avec sa fille morte des propos tout simples, comme si Heather était encore là. Heather ne serait-elle pas devenue la mère de sa mère? Pas de sentimentalisme à l'eau de rose dans cette relation étrange. Pas de surnaturel non plus : Heather n'apparaît que pour Ruth, mais elle n'est pas un fantôme, elle est une jeune fille qui regarde, qui intervient, qui veille, omniprésente. A tel point que Ruth a du mal à s'occuper de Beatrice, sa fille bien réelle... John Harvey déploie tout son savoir faire pour élaborer un récit complexe, avec de multiples sous-intrigues, des personnages secondaires parfaits, des relations entre les êtres finement tissées, des coupables désignés, des innocents qui ne sont pas ce qu'ils paraissent.Et surtout, il brosse une description empathique mais impitoyable de ce qu'est le deuil, de ce qu'est l'oubli, s'il existe. On sort de ce roman un peu secoué, très ému, définitivement séduit.

Voir la chronique du roman précédent de la série, Traquer les ombres

John Harvey, Le deuil et l'oubli, traduit de l'anglais par Fabienne Duvigneau, Rivages / Thriller

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