Désolée, trop tard, nous avons déjà nos gagnants ! Que cela ne vous empêche pas de lire l'article et de découvrir William Ryan !Voilà la troisième enquête de l'inspecteur Korolev. Nous sommes en 1937, Korolev a pris de l'âge, du poids et de l'expérience.. Nous l'avons quitté à Odessa, le revoilà dans la capitale de l'Union soviétique. Après nous avoir fait vivre la Grande famine du début des années 30, William Ryan reconstitue ici la Grande Terreur de 1937-1938, avec le talent qu'on lui connaît. Pour mémoire, on estime à plus de 600 000 le nombre de personnes exécutées pendant cette période... C'est dire qu'il ne faisait pas bon être du mauvais côté.
Mais la vie continue. L'inspecteur de police Korolev s'apprête à accueillir chez lui son fils Youri, 12 ans, qui vit avec sa mère Zhenia, l'ex-épouse de Korolev, qui habite Zagorsk (aujourd'hui Serguiev Possad), à 70 km de Moscou. C'est un grand moment, car le métier de Korolev ne lui permet pas de le voir régulièrement. Il a pris une semaine de vacances et s'apprête à s'occuper de Youri, à rattraper le temps perdu. Las, on a besoin de lui: Azarov,un éminent scientifique vient d'être assassiné à son domicile, dans l'immeuble réservé aux hautes personnalités de l'État, la Maison des Dirigeants. L'affaire est tellement importante qu'on la confie bientôt à la Sécurité d'État. Korolev est donc libre d'emmener son fils à la datcha que lui prête son ami l'écrivain, non loin de Moscou. Ses vacances seront de courte durée... Dès la première nuit, il reçoit la visite musclée de deux hommes, des tchékistes qui l'emmènent manu militari à la Lubianka, siège de la Sécurité d'État. Ils auraient bien emmené aussi le jeune Youri, mais ce dernier s'est enfui... Korolev le milicien est donc "prêté" à la Sécurité d'État : ses états de service lui ont valu une bonne réputation dont il se serait bien passé... Il est sommé de reprendre l'enquête, au moment précis où il n'a qu'une chose en tête : retrouver Youri.
Mais il n'aura pas beaucoup de temps à consacrer à la recherche de son fils, puisqu'un autre meurtre a été commis. Un autre scientifique, collaborateur du précédent, retrouvé lardé de coups de couteau à l'Institut Azarov. Voilà donc Korolev littéralement acculé dans ses derniers retranchements : son fils a disparu, son ex-femme fait l'objet d'une surveillance très attentive - c'est un euphémisme - et lui-même doit parvenir à concilier ses deux appartenances tout en faisant avancer l'enquête dans le sens qui va bien... Bientôt, il découvre que l'Institut Azarov dirigé par la première victime fait l'objet de graves soupçons : détournement de fonds, recherches scientifiques sulfureuses... Pour ainsi dire, il n'aurait pas pu tomber sur pire affaire. Et quand il s'aperçoit que les scientifiques de l'Institut se penchent tout particulièrement sur les techniques de persuasion des ennemis de l'État, voire de conversion forcée des individus, et que des enfants sont impliqués dans ces sombres manœuvres, Korolev passe en mode panique.
William Ryan s'améliore de roman en roman. Ici, le personnage de Korolev, avec ses rides et son embonpoint, est formidablement décrit et mis en situation dès le démarrage du roman. Et surtout l'auteur sait reconstituer le contexte historique de l'époque, avec cette menace permanente, ces disparitions inquiétantes, cette violence omniprésente. Pourtant, Korolev, qui n'a rien d'un contre-révolutionnaire, résiste à sa manière à la tentation du mensonge, de la lâcheté, de la corruption. Pour cet homme pas simple que ça, la vérité est une valeur fondamentale. C'est dire s'il a du mal à vivre dans cet univers de trahisons... Pendant tout le roman, Korolev est sous surveillance. Par des hommes qui sont supposés être dans son camp... Mais à Moscou en 1937, protéger l'État, ce n'est pas protéger le peuple. Et pour Korolev, la pilule est dure à avaler.
Ryan n'a pas son pareil pour décrire la vie à Moscou, l'architecture, les nouveaux hôtels monumentaux qui se construisent, le parc Gorki et son "simulateur" de saut en parachute. Il n'a pas son pareil non plus pour évoquer la vie dans les appartements communautaires, le regard méfiant des hommes et des femmes, et surtout la peur qui transforme radicalement la vie quotidienne. On sent la fascination qu'exerce l'URSS sur l'écrivain, le travail de documentation considérable qu'il a mené. Et pourtant, à aucun moment on ne perçoit l'ennui que certains auteurs nous infligent quand ils veulent montrer qu'ils ont bien fait leur travail. Chez William Ryan, l'écriture est rapide, sans cesse en mouvement, il ne lâche jamais son affaire. Les descriptions font mouche et stimulent l'imagination, les émotions sont puissantes, et l'évocation des recherches scientifiques menées à l'époque par l'intelligentsia soviétique fait froid dans le dos. Bref, Ryan fait coup double : il nous embarque dans une intrigue superbement construite, et nous plonge dans une histoire pas si lointaine que cela, finalement...
Pour relire les chroniques des romans précédents, ainsi que l'interview de William Ryan, c'est par ici.
William Ryan, Les enfants de l'État, traduit de l'anglais par Jean Esch, éditions des Deux Terres
Bonjour Merci pour ce concours. Je participe avec plaisir.
RépondreSupprimerBonjour très tentant ce livre ! Je tente donc ma chance merci !
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