12 mars 2014

Quand James Bond joue et gagne au Casino Royale

En 1967, Sean Connery vient de tirer sa révérence à la série des James Bond. Mais Albert Broccoli n'a jamais réussi à acheter les droits du roman qui inspire Casino Royale (Espions, faites vos jeux). Le détenteur de ces droits,  Charles K. Feldman, les yeux brillants devant le succès de la série des James Bond, sollicite alors Sean Connery pour une adaptation du roman. Mais Connery est sous contrat ailleurs... Feldman change son fusil d'épaule : il décide de tourner une version parodique de Casino Royale. Et pour cela, il fait appel à rien moins que 5 réalisateurs (Val Guest, Kenneth Hughes, John Huston, Joseph McGrath et Robert Parrish) parmi lesquels seul John Huston restera dans les mémoires. Voilà comment est né le deuxième "hors piste" de la série des James Bond, le premier étant le Jamais plus jamais qui vit le retour éphémère de Sean Connery.
C'est David Niven qui incarne l'ineffable 007. Plus tout jeune, le bel Anglais... 57 ans déjà. Qu'à cela ne tienne : le scénario le présente comme un espion à la retraite, un brin grincheux et réac, réfractaire aux gadgets et aux voitures modernes, habitant un palais colonial du plus bel effet, gardé par des lions et cerné par les palmiers. Tout va mal au Royaume Uni, et les services secrets n'ont plus qu'un seul recours : aller chercher le légendaire Bond, l'arracher à sa retraite, et le forcer à faire ce qu'il fait le mieux - sauver le monde. Bond se fait prier... un peu trop. Si bien que ses hôtes n'ont d'autre choix que de faire sauter sa somptueuse résidence. Expéditif mais efficace. Leur chef M (John Huston) y laissera d'ailleurs sa peau.
David Niven n'est pas Sean Connery : pour commencer, il est plus anglais que nature, et pas du tout écossais. Ça se sent... Les deux hommes n'ont pas tout à fait les mêmes valeurs ! A commencer par leur attitude envers le sexe opposé. Un brin puritain, M. Niven, ça nous change... mais rassurez-vous, ça ne dure pas longtemps. Autre particularité du film : son casting épatant. Sachez que le méchant Chiffre est incarné par Orson Welles, que le neveu indigne de James Bond est joué par un Woody Allen détestable mais hilarant, que le double minable de James Bond, n'est rien moins que Peter Sellers. Ursula Andress, Jean-Paul Belmondo, Charles Boyer, Deborah Kerr, William Holden, Peter O'Toole, font des apparitions plus ou moins éclair dans ce délire burlesque.
L'histoire se résume à peu de chose, et n'a rigoureusement aucune importance puisque visiblement, ici, on est là pour s'amuser. Bond se rend pour commencer dans un château écossais où il est supposé présenter ses condoléances à la veuve de M, à laquelle s'est substituée Mimi, agent du Smersh (Deborah Kerr). Cette soirée écossaise est le prétexte à un morceau de bravoure à base de panse de brebis farcie, de jeunes filles accortes qui auront raison des réserves bondiennes, et de chasse à la grouse. Partie de chasse qui tourne au massacre.  Une bonne partie du film est marquée par ce côté taquin envers l'Ecosse et ses habitants.
De retour à Londres, les services secrets sont décîmés. Seule reste la fidèle Moneypenny. Heureusement, Bond est là. Sa priorité : trouver un homme ultra-séduisant mais insensible aux avances des femmes. Bref, à un moment donné, il faut bien justifier le titre du film : Bond s'en court au Casino Royale, où d'autres cabrioles surréalistes et agitées vont achever de nous donner le tournis...
Cinq metteurs en scène, c'est beaucoup. Le film est un joyeux bazar quelque peu décousu, où on a parfois bien du mal à retrouver ses petits. Néanmoins, avec sa bande son typiquement années 60 (Herb Alpert et son Tijuana Brass,  Burt Bacharach maître à bord), Casino Royale s'inscrit dans la série des films déjantés de l'époque (What's New Pussycat, sorti en 1965, La Party sorti en 69) et offre à qui sait s'abandonner une bonne tranche de rire convulsif, entrelardée de quelques passages à vide !
Pour l'anecdote, Peter Sellers disparut en plein milieu du tournage, ce qui explique un certain nombre d'ellipses et de raccourcis... Une disparition probablement provoquée par la haine qui s'installa entre Sellers et Welles, à tel point que la scène où les deux sont sensés être face à face fut tournée à des moments différents, avec des doublures. Ambiance... On dit aussi qu'au moment où les stars signèrent leur contrat, elles ne savaient pas qu'il s'agissait d'une parodie. Sens de l'humour obligatoire à l'arrivée!

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