20 septembre 2014

Ian Rankin, Debout dans la tombe d'un autre : le retour de John Rebus

La première scène de Debout dans la tombe d'un autre me rappelle irrésistiblement celle du film La comtesse aux pieds nus, où Humphrey Bogart assiste, un peu en retrait, aux funérailles de la belle Maria, sous une pluie battante. Dans le rôle de Humphrey Bogart, John Rebus. John Rebus assiste aux obsèques d'un de ses anciens collègues flics. Et comme à nous tous, la cérémonie lui rappelle sans doute que lui aussi est mortel, et que l'échéance approche. Mortel, mais bien vivant encore, John Rebus, pour notre grand soulagement. Car je peux bien le dire maintenant: j'avais du mal à envisager un monde sans John Rebus... Dès la première page, la description fait mouche : non seulement on visualise la scène, mais on ressent le blues, la grisaille, la pluie, l'amertume. La magie Ian Rankin, son savoir-faire fonctionnent dès les premières lignes. Ce talent rare qui fait que tout de suite, on se sent transporté dans ce monde que Rankin nous raconte depuis plus de trente ans, ce monde qui bouge avec lui et avec John Rebus, son double littéraire, quoiqu'il en dise...
Rebus a besoin d'une cigarette. Moi aussi. Mais lui a un paquet dans sa poche, moi pas... Et il a la gentillesse de nous expliquer d'emblée le titre du roman. Qui est aussi, en version originale, celui du titre d'une chanson de Jackie Leven, ami disparu de Rankin, à un mot près : "Standing in another man's grave" est en réalité "Standing in another man's rain". C'est ce que constate Rebus en lisant la pochette du CD... "Grave" (la tombe), "Rain", (la pluie)... les deux vont bien, après tout.


Donc, Rebus est de retour. Depuis qu'il a pris sa retraite, il a intégré une unité civile spécialisée dans les affaires non élucidées, qui travaille bien sûr avec la police d'Edimbourg. Dès les premiers échanges avec ses collègues, on comprend bien que Rebus n'a rien perdu de son caractère de cochon. Mais cette fois, ce n'est plus lui le chef... Ce dont il se fiche pas mal d'ailleurs. Rebus n'a jamais été un ambitieux, mais toujours un rebelle. Et l'âge ne fait rien à l'affaire. La nostalgie, la tristesse, la déprime donnent le ton à ce début d'histoire, comme si Rebus s'était réfugié, pendant son absence, dans une brume parfumée à la bière, au whisky, à la fumée de cigarette. Une brume avec de la musique, bien sûr, mais aussi la mort, celle du formidable Bert Jansch, disparu lui aussi il y a peu, et auquel Rankin rend un hommage appuyé. Ceux qui connaissent Rebus le savent : l'homme est un obsessionnel, et ce qui l'obsède, c'est son travail. La chasse à l'assassin et à l'escroc, quoiqu'il en coûte. Ce travail, c'est toute sa vie. Alors, petit à petit, au fur et à mesure que se déroule l'histoire, Rebus reprend vie, piqué au vif par celui qui, depuis le début des années 2000, s'en prend à des femmes, tout au long d'une portion de la route A9, celle qui traverse une bonne partie de l'Ecosse et aboutit là-haut, tout au nord, à Thurso, en passant par Edimbourg et Inverness.
Tout commence par disparition d'une jeune fille en 1999, à Aviemore. La mère de la disparue est persuadée que l'événement est lié à d'autres disparitions, toutes dans la même région, le long de l'A9. A votre avis, qui est en charge des disparitions les plus récentes à la police d'Edimbourg ? La sémillante Siobhan Clarke, ex-adjointe de Rebus, qui a pris du grade. Pour Rebus, c'est le moment ou jamais de tenter sa chance : on a récemment relevé l'âge de la retraite dans la police écossaise, et pour John, c'est une planche de salut qu'il doit saisir. Mais vous le connaissez : Rebus l'insoumis ne sait pas faire de compromis. Et Siobhan Clarke a beau être de son côté, elle a sa carrière à préserver. Sans oublier la présence - discrète - d'un certain Malcolm Fox, de la police des polices, que les lecteurs de Ian Rankin connaissent déjà. Et Fox n'a de cesse de mettre des bâtons dans les roues de Rebus : pour lui, c'est un flic de la vieille école, adepte de méthodes douteuses et inacceptables... Pendant cette enquête, Rebus n'est pas à la fête. Écartelé entre sa volonté de trouver la vérité, son empathie pour les victimes, sa résistance face à l'autorité en place et les pièges tendus par Malcolm Fox, il retrouve toute sa vitalité, se débat comme un beau diable, et surtout ne lâche pas l'affaire, jamais. Et c'est pour ça qu'on l'aime.

Ian Rankin, Debout dans la tombe d'un autre, traduit de l'anglais (Ecosse) Par Freddy Michalski

1 commentaire:

  1. Merci pour cette critique. Je suis resté sur ma faim en lisant la fin à tel point que j'imaginais qu'il y avait une suite!

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