Je viens d'apprendre la mort de William McIlvanney, et la tristesse est grande. Rencontré en mai au Goéland masqué, il avait eu la gentillesse de répondre à quelques questions. C'est grâce à Ian Rankin que j'avais découvert McIlvanney il y a quelques années, et je ne le remercierai jamais assez pour ça, comme pour le reste. En hommage au gentleman writer, lui laisser la parole me semble le meilleur moyen de dire ce que la littérature noire lui doit, en Ecosse et ailleurs.
Le Goéland masqué 2015 a eu l'excellente idée d'inviter le grand William McIlvanney. A la suite de la table ronde dont vous trouverez ici le compte rendu, j'ai eu envie de lui poser quelques questions supplémentaires. Je l'ai donc attrapé au vol, et il m'a répondu de bonne grâce, avec l'élégance et l'acuité qu'on lui connaît. Que cette mini-interview donne envie à ceux qui ne le connaissent pas de découvrir un immense auteur, c'est tout le mal que je me souhaite !
Les voix que vous avez entendues, que vous évoquiez lors de la table ronde de tout-à-l'heure, vous disiez qu'elles vous avaient révélé qu'il fallait que votre personnage soit un "dur". Était-ce la seule raison qui vous a amené à faire de Laidlaw un policier?
Non, bien sûr. Il fallait que Laidlaw soit un policier parce qu'il fallait qu'il puisse pénétrer toutes les couches de la société, y compris les plus cachées et les plus sombres.
Pourquoi avez-vous décidé d'écrire l'un des romans, Étranges loyautés, à la première personne ?
Parce que ce roman était très intime. Laidlaw y est impliqué personnellement, puisqu'il perd son frère et qu'il est amené à enquêter sur son propre contexte. J'ai pensé qu'il fallait écrire à la première personne, c'était la seule solution.
Comment cela a -t-il été perçu ?
Sans problème, le roman a été bien reçu.
Ian Rankin a dit un jour - mais peut-être était-ce une plaisanterie - que quand ce roman était sorti, il vous avait écrit en disant que finalement, il allait écrire ses romans à la première personne. Mais comme vous n'avez pas répondu, eh bien la série des Rebus est restée à la troisième personne !
A-t-il vraiment dit ça ? Je me rappelle que nous nous sommes écrit, qu'il m'a dit que j'avais fait partie de ceux qui l'ont incité à écrire. Mais je ne me rappelais pas ce détail. Alors finalement mon influence est plus grande que je ne pensais (rires!). Des gens comme Val McDermid et Denise Mina ont dit que je les avais influencées dans leur démarche d'auteurs. C'est absolument étonnant. A l'époque, je n'aurais jamais imaginé ça.
Un jour, vous avez dit que vous aviez envie d'écrire un "prequel" à Laidlaw ? Est-ce toujours à l'ordre du jour ?
Oui. Je ne devrais pas en parler, il paraît que ça porte malheur, mais effectivement l'idée continue à me séduire. En fait j'aimerais écrire un "prequel" avec un Laidlaw tout jeune, et un "sequel", avec un Laidlaw à la fin de sa carrière.
Vous n'envisageriez pas d'écrire un Laidlaw qui se déroulerait aujourd'hui ?
Non, Laidlaw appartient à son époque. Et il ne pourrait pas faire aujourd'hui, dans le cadre de la police contemporaine, ce qu'il pouvait faire à l'époque, il ne s'en tirerait pas comme ça. Quand j'écrivais les Laidlaw, je connaissais pas mal de flics à Glasgow, et ce que je décris dans les romans aurait très bien pu arriver. Aujourd'hui, les choses sont beaucoup plus encadrées, normées.
Que pensez-vous de cette évolution de la police, et de celle de la société en général ?
A bien des égards, ce qui se passe dans la société aujourd'hui me préoccupe. Je ne suis pas anti-anglais, j'apprécie la culture anglaise, au même titre que la culture française. Mais la politique anglaise me déplaît profondément. Ce qui me bouleverse, c'est la facilité avec laquelle Thatcher a renversé tout l'univers politique, de telle sorte qu'il n'y a pas de retour possible. C'est terrible. Au lieu de progresser, la politique n'a pas cessé de régresser depuis les années 70. Je suis effaré par la façon dont les gens, à partir d'une base idéologique globalement égalitaire, ont retourné leur veste et se sont emballés pour un individualisme forcené. "Allez tous vous faire foutre, je joue pour moi, je veux m'en sortir." Jamais nous ne retrouverons l'innocence dynamique des années 60 et 70.
Votre fils Liam McIlvanney est devenu écrivain, lui aussi. L'avez-vous influencé?
Non, il me montrait ses poésies quand il était petit, bien sûr, mais il ne m'a jamais demandé de conseils. Il se débrouille très bien tout seul, comme un grand ! Il a son propre univers...
La trilogie des Laidlaw vient de ressortir chez Rivages/Noir :
Laidlaw, traduit de l'anglais par Jan Dusay (voir la chronique ici)
Les papiers de Tony Veitch, traduit de l'anglais par Jan Dusay
Étranges loyautés, traduit de l'anglais par Freddy Michalski
A lire également, Docherty, le roman qui a révélé McIlvanney, paru chez Rivages et traduit par Freddy Michalski
c'est quoi un préquel et un séquel ?
RépondreSupprimerIgnorantus
Ignorantus le mal nommé, je suis bien sûr que vous l'êtes moins que vous ne le prétendez. "Prequel" : un épisode de série (roman ou TV) qui se déroule avant le premier épisode de la série existante. "Sequel" : la même chose, mais qui se déroule après.
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