18 juillet 2015

Harrogate 2015 : Sara Paretsky interrogée par Val McDermid

Sara Paretsky
Sara Paretsky ne fait pas beaucoup parler d'elle dans nos contrées francophones. Pourtant, une bonne partie de ses romans est disponible chez Points / Seuil ou au Masque. Si elle fait partie des écrivains cultes auprès du public anglo-saxon,  c'est sûrement parce qu'elle a été une des premières à créer un personnage de détective privé féminin, Victoria Iphigenia Warshawski, VIC pour les intimes. Privée à Chicago, VIC est une femme accomplie : grande sportive, c'est aussi quelqu'un qui réfléchit et qui ressent les choses. Ce personnage singulier est le porte-parole d'une auteure très engagée politiquement, à la fois pour les causes féministes et auprès des minorités. Ce n'est pas un hasard si Sara Paretsky est à l'origine du mouvement d'auteures de polars femmes "Sisters in Crime", qui n'a pas d'équivalent chez nous.  Créée en 1986, cette organisation est née d'un constat fait par Sara Paretsky : celui de la violence de plus en plus grande faite aux femmes dans les "graphic novels" qui commençaient alors à prendre leur essor.  Le but principal de l'organisation est, encore aujourd'hui, de promouvoir les femmes auteures de polars et de les aider à réussir et à se faire connaître et reconnaître. Elle compte aujourd'hui 3600 membres réparties en 48 chapitres en Amérique du nord.


"Je ne peux écrire que sur ce qui me passionne. J'ai voulu créer un personnage féminin réaliste et crédible, dans un contexte urbain très clanique...  Mon héroïne sait comment on fonctionne dans cette civilisation-là. Pourtant, je venais du Kansas, et pour moi Chicago c'était un milieu complètement inconnu. En gros, mon héroïne a fait son apprentissage en même temps que moi. Et Chicago, c'est un contexte particulièrement dur." Val McDermid se rappelle alors son premier voyage à Chicago, où elle était venue faire des recherches pour un de ses romans.
Val McDermid et Sara Paretsky
 - Vous m'aviez dit que vous me recevriez volontiers si je venais à Chicago, mais je pensais que c'était par politesse. Aussi quand j'ai débarqué là-bas, j'ai choisi un hôtel qui m'avait l'air à peu près potable. Je n'avais pas de gros moyens... Et là, c'était l'horreur absolue. Je crois que c'est la première et la dernière fois que j'ai vraiment poussé la commode contre ma porte pour me sentir en sécurité. Je vous ai appelée, et vous êtes venue à mon secours... Et là, vous m'avez expliqué. Et j'ai compris que ce que vous vouliez, c'était partager "votre" Chicago, montrer que tout n'était pas fichu dans votre ville. Et j'y ai été très sensible. Je crois que c'est ce que vous faites avec votre personnage.
- Oui, et vous avez exploré la ville dans le détail, plus que je n'ai jamais fait. Vous avez osé parler à des gens que moi, j'aurais dû interroger depuis longtemps si je n'avais pas été si timide. Chicago est la ville où je suis vraiment devenue adulte. A l'époque, c'était les années 60, et on y croyait vraiment. Les discriminations raciales et sociales, c'était notre pain quotidien. Donc il fallait vraiment se battre. Je m'occupais de gamins qui n'étaient jamais sortis de leur ghetto, je les emmenais ailleurs pour leur montrer ce que c'était en-dehors de leur univers. Et c'est là que j'ai compris beaucoup de choses.
- Oui, d'ailleurs on sent que vos histoires naissent naturellement, de façon pratiquement organique. Vous n'êtes pas comme cette Jessica Fletcher : partout où elle arrive, il y a un meurtre !
- Quand j'ai démarré, je n'étais absolument pas sûre de moi. Aussi, au début, j'ai respecté toutes les règles du genre. VIC, pour moi, c'est une voix, principalement. Physiquement, elle est capable de faire des choses que je ne peux pas faire. Et elle est capable de dire des choses que je n'ai pas toujours le courage de dire. 

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