Tiens, si on démarrait cette chronique par une équation ?
Vous êtes fan de Manu Chao + Vous n'avez pas le sens de l'humour = passez votre chemin
Car voyez-vous, Michel Embareck commence son roman en se débarrassant d'un chanteur altermondialiste à bonnet péruvien et pantalon feu de plancher. Il a beau l'appeler Flaco Moreno... Le malheureux est retrouvé pendouillant lamentablement le long d'une façade à La Nouvelle Orléans. Quelle drôle d'idée de se pendre à l'extérieur ! Dans un grenier, une grange, une cave, une chambre sinistre, on comprendrait. Mais là, en plein air, à la vue de tous, sans même laisser un mot d'adieu ? Allons, ça ne tient pas debout. C'est ce que se disent les parents de Flaco, qui font appel aux talents du détective Victor Boudreaux, que nous retrouvons pour la quatrième fois, après Le rosaire de la douleur, La mort fait mal et Avis d'obsèques.
Boudreaux, ancien du Vietnam et d'ailleurs, a perdu sa femme vietnamienne et ses deux enfants au détour d'une enquête tragique. Il vit maintenant avec Jeanne, maîtresse femme qui n'a rien à lui envier en termes de culot et de combativité... Boudreaux se relève d'un AVC qui a laissé quelques traces, mais pas trop, la suite de l'histoire va le prouver. Il devrait faire un break, s'occuper de son équipe de jeunes blacks lanceurs de marteau qu'il coache avec brio Pourquoi s'embarquerait-il dans une enquête pareille ? Pour l'argent bien sûr, parce qu'il a besoin de financer la tournée mondiale de son équipe. Mais pas seulement... Il lui faut de l'action, de la castagne, il a besoin de fouiner, de déterrer les cadavres enfouis dans les placards. Il va être servi. Première piste : Moreno aurait été sur le point de se lancer dans le commerce équitable de crevettes... Vous y croyez, vous ? Victor non... Mais c'est une piste, qui va le mener tout droit au Vietnam, comme par hasard. En compagnie de son ancien compagnon, Earl Turnbinton. L'enquête, on s'en doute, ne va pas s'arrêter à une vulgaire affaire de crevettes bio. Car il va s'avérer que pour Flaco Moreno, l'altermondialisme et le développement durable étaient de formidables vaches à lait. C'est là que sortent les fans de Manu Chao, ceux qui n'ont pas d'humour...
En toute logique, après de multiples rebondissements et rencontres tous plus exotiques les uns que les autres, les deux compères vont se retrouver en France, à Saproville sur mer, là où Victor Boudreaux passe la moitié de sa vie. Une petite ville bien tranquille, station balnéaire pépère. Sauf que là où passe Victor Boudreaux, la tranquillité trépasse. L'enquête est loin d'être terminée. Au fil des pages, Boudreaux et Turnbinton vont exhumer des fantômes qui ne sentent pas très bon : corruption locale, trafics divers, blanchiment à grande échelle, pots-de-vin... Tout ça à Saproville sur mer. Ancien manager serbe pourri jusqu'à l'os, vieille crapule embourgeoisée, ex-journaliste en bisbille avec la justice et j'en passe : Boudreaux va nous faire un beau remue-ménage dans ce petit monde. Rien ni personne n'est ce qu'il paraît, rien ni personne n'est digne de confiance. Sauf Boudreaux et son acolyte, bien sûr, qui se jettent dans ce chaudron de gumbo brûlant toutes armes dehors, et n'ont rien oublié de leurs techniques de combat et de persuasion.
Embareck écrit vite. Enfin, c'est l'impression qu'on a quand on lit. En réalité, il a le style de celui qui adore les mots, les utilise là où on ne les attend pas, concocte des expressions invraisemblables, des comparaisons saugrenues, des insultes grotesques. Son métier de journaliste vient à la rescousse : on sent bien l'homme habitué à tracer l'information, à la vérifier, à lui forcer la main quand elle ne veut pas sortir. Si l'action va vite, elle enfourche la monture d'un style fleuri, de descriptions aux petits oignons, d'allusions savoureuses pour mélomanes et cinéphiles. De mon côté, il me reste une question : mais qu'a donc fait Manu Chao à Michel Embareck ?
Septembre, week-ends pluvieux, moroses : c'est le moment où jamais pour vous enfermer avec Personne ne court plus vite qu'une balle. Votre week-end passera plus vite que l'éclair.
[Rien ne vous empêche d'écouter Dr John pour vous mettre dans l'ambiance, Walk on guilded splinters par exemple, qu'évoque Embareck. Ou bien, imparable, Otis Redding et son ultime Dock of the Bay]
Michel Embareck, Personne ne court plus vite qu'une balle, L'Archipel
Je ne connais pas du tout cet auteur
RépondreSupprimerPacloue