6 janvier 2016

"Le grand jeu", thriller politique, vraiment ?

 Le grand jeu, réalisé par Nicolas Pariser, vient de sortir dans les salles. Un thriller politique avec André Dussolier, Melvil Poupaud et Clémence Poésy, c'était tentant. Il y a quelques semaines, le réalisateur était présent au cinéma Les Toiles de Saint-Gratien pour présenter son film. Un film où il est question de l'affaire de Tarnac et de la mort du ministre Robert Boulin, c'était plutôt alléchant. Des comédiens formidables, des intentions intéressantes : des thrillers politiques français, finalement, il n'y en a pas tant que ça. L'affaire semblait valoir le déplacement. 
Pierre Blum (Melvil Poupaud), quadra désenchanté, romancier d'un seul roman, traîne sa vie d'ex-jeune prodige de la littérature, triste, alangui, le sourire amer, le regard fuyant, et promène son grand corps vêtu d'un pardessus genre poil de chameau années 50. Ce soir-là, il assiste au mariage de son ex-femme. Il s'y ennuie, il s'y agace, il sort sur la terrasse. Il veut être seul. Dommage. André Dussolier est là aussi. Et il a quelque chose à lui dire, ou plutôt un projet à lui proposer, à lui qui n'en a plus depuis longtemps. Joseph Paskin (André Dussolier), éminence grise du monde du pouvoir, veut qu'il écrive un essai, une incitation à la révolte, pour servir un complot politique. Pour Blum, la manipulation ne fait que commencer... 

Nicolas Pariser
Avant de voir le film, j'avais consciencieusement écouté une interview de Pariser, dont c'est le premier long métrage. Le journaliste avait laissé entendre que si on ne connaissait rien de l'affaire Tarnac, on risquait de passer à côté d'une grande partie du film. J'ai donc consciencieusement révisé ma copie avant de voir le film, jeté un œil attentif sur L'insurrection qui vient, relu quelques articles bien informés. Bref, j'étais prête. Bon, je ne regrette pas, c'est toujours bien de faire travailler ses petites cellules grises, pas vrai ? Mais en termes d'efficience, résultat zéro. Pariser affirme qu'il n'a pas voulu jouer le jeu du thriller rapide, violent, spectaculaire. On confirme. Deux comédiens formidables sauvent un peu l'affaire : André Dussolier est parfait dans son rôle de vieux crocodile politique cynique, Melvil Poupaud impeccable avec ses airs de victime désignée. Mais à aucun moment on n'arrive à s'intéresser à cette histoire. Le pire étant sans doute les journées que Blum passe dans une ferme, dans une communauté anarcho-gauchiste où il a l'air aussi à l'aise qu'un poisson sur une bicyclette. Là, on ne comprend pas. Pariser se veut observateur attentif, voire bienveillant. Le résultat est tellement caricatural qu'on a envie de pleurer...
Les critiques ont été extrêmement bienveillantes. La déception a donc été à la hauteur des attentes : grande. Honnêtement, quand on lit sous la plume de Danièle Heymann, la critique de Marianne :"Superbement dialogué, le film est lucide et désenchanté, et ne cesse pas un instant de nous emporter entre vérités variables et faux-semblants, dans la douceur brumeuse des illusions perdues.", on a la sensation que Mme Heymann a mis dans le film ce qu'elle aurait voulu y voir. Car avec une histoire comme celle-là et de tels comédiens, il y avait exactement matière à  faire cela, justement. Malheureusement, d'imprécisions en lenteur, on sombre dans un ennui insondable... Et ce n'est pas l'allusion furtive à l'affaire Boulin qui va nous tirer de cette torpeur. Décidément, l'enfer est pavé de bonnes intentions.

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