De gauche à droite, Arthur Harari, Hugues Pagan, François Guérif et François Angelier |
Ce soir, la Bibliothèque Nationale de France recevait le roman noir et le cinéma noir, incarnés par François Angelier, qui a gentiment cuisiné François Guérif, le romancier et scénariste Hugues Pagan et Arthur Harari, le réalisateur du film Diamant noir où l'on peut voir, dans l'un des rôles principaux, le regretté Hafed Benotman. Morceaux choisis.
FG : Il s'agit principalement de correspondances, à l'exception d'un manuscrit, une pièce de théâtre signée Howard Fast. J'ai beaucoup de lettres de Léo Malet, qui écrivait beaucoup, fidèle au vieux principe selon lequel les paroles s'envolent et les écrits restent. Ses lettres sont illustrées de petits dessins, de collages érotiques. Il y a aussi quelques lettres de Robin Cook. Cette démarche s'inspire de ma volonté de circulation et de conservation, à laquelle je tiens beaucoup.
FA : Dans votre goût pour le roman noir et le film noir, y a-t-il une part d'inquiétude personnelle?
FG : Claude Chabrol dont j'étais très proche, disait "Mon rôle n'est pas d'emmerder le public. Or il est difficile d'emmerder le public avec une histoire policière." Raconter des histoires, se glisser "Derrière la façade", voilà ce qui l'intéressait. Même chose pour moi. Mais c'est vrai, le roman noir est sûrement le roman du mal-être.
FA : Hugues Pagan, vous avez commencé par être professeur de philosophie, puis inspecteur divisionnaire, avant de passer à l'écriture.
HP : Pour moi, écrire est un authentique besoin. En plus, je suis un feignant royal. Avec mon expérience de terrain, j'avais toute la matière nécessaire... Une chose me tient à cœur : dans un crime, il y a deux victimes, la victime et le tueur. Et puis aussi le partage des idées et, disons-le clairement, de valeurs.
FG : Arthur Harari, pour votre premier long métrage, vous n'avez pas voulu céder à la tendance actuelle de la chronique intimiste.
AH : Les codes du noir permettent de dire des choses dures sous couvert de genre...
HP : Avant de découvrir Chandler et Hammett, j'avais une culture littéraire assez classique. En travaillant dans la police, j'ai voulu être au coeur des choses, dans un observatoire. Raconter les choses, à l'aide de la fiction. Car la réalité, quand elle est intéressante, est insupportable.
FG : Je ne pense pas que le genre soit forcément protecteur, ce n'est pas nécessairement un moyen de se cacher pour pouvoir dire des choses qu'on ne pourrait pas formuler autrement. J'ai fait des études de littérature américaine : si on y regarde de près, dans la littérature américaine, le noir est présent partout : Faulkner, Hawthorne, Melville... Et je dois beaucoup à des réalisateurs comme Chabrol, Truffaut ou Rivette, qui écrivaient sur le cinéma. Ils m'ont appris que le cinéma, ça ne se réduit pas à à deux personnages... Derrière l'histoire, il y a le scénariste, le réalisateur, toute l'équipe... C'est une forme de boulimie : l'envie de tout voir, de tout lire, qui m'a amené à faire ce que j'ai fait. Par ailleurs, le polar est partout : dans le western, la SF. Partout...
HP : Oui, la boulimie... Je vois au moins un film par jour... Je redécouvre des films de Dassin qu'on ne peut plus voir. Le roman noir est profondément humain, même s'il est tragique.
FG : Quand j'ai démarré Rivages / Noir, c'était la continuation de Red Label et de Fayard noir, Engrenage, etc. A la fin des années 70, le polar n'était pas à la mode : c'était la SF... Je n'étais donc pas dans l'air du temps. J'ai voulu ramener à la surface des auteurs comme Goodis, dont l'agent français m'avait dit : "Pourquoi voulez-vous publier David Goodis? Il est mort !". Je me rappelle avoir acheté Of Tender Sin aux puces de Montreuil, l'exemplaire provenait d'un camp militaire en Allemagne. A l'époque, c'était difficile de trouver les textes...
HP : Mon premier roman publié, c'était La mort dans une voiture solitaire, qui est sorti chez Fleuve noir avec 40 pages en moins : on m'avait dit qu'il fallait couper, parce que la collection était calibrée, et aussi pour des questions de quantités de papier. A l'époque, j'habitais Provins, et je me rappelle ma joie quand j'ai vu le livre dans la vitrine du libraire du coin... C'était Alain Peyrefitte le maire - ou plutôt le propriétaire ! - de Provins. Un jour, je le rencontre et il me dit : "Enfin un deuxième auteur à Provins!" Je lui ai répondu : "Ah, je ne savais pas qu'il y en avait un autre." Le roman a été republié dans son intégralité par François Guérif.
FG : Oui, tu as été le premier auteur français de la collection, le n°17. Je ne suis pas du tout interventionniste avec mes auteurs, je n'ai pas du tout le syndrome de l'auteur frustré. Je leur fais confiance. Pour moi, avec les auteurs, c'est une affaire de compagnonnage et de fidélité...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire