29 septembre 2016

Franck Bouysse, "Vagabond": coup de blues

En février 2015, je découvrais Vagabond, de Franck Bouysse. Paru en 2013 chez Ecorce, il ressort aujourd'hui à la Manufacture de livres. Et il n'a rien perdu de son charme. Une petite piqûre de rappel ?

"Vagabond, paru aux éditions Écorce en 2013, et déjà le sixième roman de son auteur. Un texte concis, troublant, qu'on sent très personnel, et qui ouvre des perspectives nouvelles aux lecteurs de Grossir le ciel (voir chronique ici et interview là).L'homme dont il est question dans Vagabond, on ne connaîtra pas son nom. Et c'est très bien comme ça... Ses soirées, il les passe à jouer du blues dans les cafés de la ville. La ville, Limoges, mais ce pourrait être ailleurs. Mais pas n'importe où: il faut que ce soit une ville avec des traces d'histoire, des ruelles sombres, des vieilles pierres.

Dans Grossir le ciel, Franck Bouysse savait à merveille décrire les paysages des Cévennes ; dans Vagabond, il évoque avec le même sens visuel et sensuel les rues, les rades et leurs comptoirs, et aussi les herbes et les plantes qui serpentent entre les pierres et les pavés. Et puis ce sens de la comparaison qui fait mouche est bien là : quand l'homme, le Vagabond, jette sa cigarette et entre dans le bar, il a "le sentiment de se fondre dans le décor, comme un bonbon dans une bouche humide." On sent très fort dans ce texte concentré un puissant amour des mots, la recherche de celui qui sonne juste, qui suscite chez le lecteur l'image forte. Une recherche stylistique, des phrases rythmées, syncopées, hachées. La description du moment de grâce, celui où l'homme joue sur la scène, et de ce que lui suggèrent les sons qu'il arrache aux cordes de sa guitare, sent le vécu et la sincérité...
Alors voilà, l'homme joue le blues. La journée, il marche dans les rues, voyant à peine les humains qui sillonnent d'un pas pressé les rues de la ville, ceux qui ont quelque chose à faire, une vie à construire alors que la sienne, de vie, ressemble à une ruine. Et voilà qu'un soir apparaît au bar une femme, une inconnue magnifique, pour laquelle il se met à jouer sa propre musique, à chanter ses propres mots. Ils boivent un verre, il la raccompagne au pied de sa demeure et rentre à son hôtel miteux. La reverra-t-il? Saura-t-il qui elle est ? Il rentre à son hôtel pour dormir, pour rêver à Alicia, celle avec qui il y a quinze ans il partageait la scène, celle qui est partie et qui lui a brisé le cœur. Alicia est en ville. Elle chante au Styx. L'homme sera au Styx, bien sûr, pour Alicia. Ça n'est pas une bonne idée, et il le sait. L'apparition de ce fantôme va déclencher chez l'homme une plongée dans le passé, dans l'enfance et la douleur. Bouysse cède alors à la tentation de la poésie, noire, violente, obsessionnelle, et achève son roman en beauté et en désespoir, emmenant avec lui un lecteur consentant, déconcerté, pris. Après, il n'y a plus qu'à écouter Robert Johnson. Ou Jimi Hendrix."

Franck Bouysse, Vagabond,  La Manufacture de livres

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