6 novembre 2016

Philippe Garnier, Retour vers David Goodis : quand la biographie prend le large

Commençons cette chronique par un aveu, presque une déclaration d'amour : Philippe Garnier, Havrais né en 1949, m'a servi de guide, de mentor, que sais-je encore à l'époque où dans les tristes banlieues parisiennes, le roman et le film noir n'étaient pas les bienvenus dans les conversations de lycéens et d'étudiants... Garnier, grâce à ses papiers et interviews musicaux, littéraires et cinématographiques parus dans Rock & Folk et dans Libération, puis à ses livres et à ses participations à la mythique émission Cinémas, cinémas, à ses traductions, a en quelque sorte déniaisé la timide étudiante en anglais que j'étais pour lui révéler les vénéneux délices de la littérature noire américaine... Philippe Garnier fait donc partie des rares journalistes dont la seule signature suffit à me faire acheter les yeux fermés, et lire les yeux grand ouverts, tant qu'à faire.

En 1984, l'homme signe un Goodis, la vie en noir et blanc, qui dépasse de loin les cadres de la biographie et déborde joyeusement sur les passions de l'auteur : le roman et le film populaire américains, les rapports entre littérature et cinéma, les mécanismes qui les unissent et les séparent. Aujourd'hui, il revient sur ce livre, qu'il réorganise, complète par des informations inédites : Retour vers David Goodis est donc une lecture indispensable même pour ceux qui ont lu la version de 1984. Garnier est un journaliste qui ne se la joue pas, du moins pas au sens où le font souvent les biographes. Là où un autre aurait enjolivé, voire dissimulé ses sources, il y va carrément : un rendez-vous raté ? Quelqu'un qui n'a finalement rien à dire, ou qui a la mémoire qui flanche ? Tout est là (enfin, presque tout, ne soyons pas dupes...), sauf que la plupart du temps, les tuyaux percés aboutissent sur des pépites. Celui qui ne se rappelle rien se souvient, en revanche de quelqu'un qui, lui aura des choses à dire... Du coup, le lecteur se retrouve pendu aux basques de l'auteur, à tirer avec lui les fils d'un écheveau monumental, et à profiter avec lui de ses découvertes. Pas d'hagiographie dans ce livre : Garnier cherche à comprendre le pourquoi du destin d'un auteur apparemment promis aux plus hautes destinées, avec ses succès de scénariste, et qui se retrouve dans sa ville natale, Philadelphie, à explorer avec plus ou moins de bonheur les recoins les plus sombres, la déchéance la plus noire, la nature humaine dans ce qu'elle a de plus lamentable.

A travers la destinée de cet homme qui reste finalement insaisissable, et c'est très bien ainsi,Garnier brosse le portrait d'une "industrie culturelle" aux moeurs et aux arcanes bien différentes de celles que nous avons connues ici : foisonnement des maisons d'édition, multiplication des collections de poche plus ou moins "honorables", passage des auteurs d'une collection à une autre en fonction de leur popularité et des modes du moment, Hollywood, Eldorado des auteurs qui savent se muer en scénaristes... Goodis circule dans ce paysage complexe, s'y inscrit un temps, s'en démarque plus ou moins volontairement, capable du meilleur comme du pire... Garnier n'occulte pas les côtés sombres de Goodis, sa vie privée chaotique, et disons-le carrément, les secrets de sa vie sexuelle qu'il va traquer et dans lesquels il va trouver, peut-être, les sources de son étrange destin... Pas de voyeurisme, mais une façon de faire directe et sans ambages qui n'enlève rien à la tendresse que Garnier éprouve pour ce personnage écartelé, en souffrance, et dont on comprend mieux, au bout du compte, la carrière, les thématiques, la violence et la noirceur.

Bien sûr, le livre a les défauts de ses qualités. Garnier digresse beaucoup. Mais quand il digresse, c'est toujours du Garnier, c'est donc toujours passionnant. Il nous balade, certes, mais on le suit avec curiosité. Et si parfois il nous "largue", fort de son érudition et de notre inculture, c'est encore avec ce savoir-faire qui lui est propre, et qui pousse le lecteur dans ses retranchements, le forçant pour ainsi dire à chercher, lui aussi, à lire et à relire... Loin de la biographie linéaire et définitive, qui vous donne l'impression que vous savez tout sur le personnage, ce livre est un précieux compagnon de route pour quiconque aime David Goodis, car il ménage les zones d'ombre qui font de lui, justement, l'auteur qu'il est.  Ajoutons que Garnier n'oublie pas d'évoquer longuement la carrière française des romans de David Goodis, y compris au cinéma avec François Truffaut, et qu'il dédie élégamment son livre à François Guérif, Eddie Muller et Lou Boxer, grand connaisseur de Goodis. 

Philippe Garnier, Retour vers David Goodis, La table ronde

6 commentaires:

  1. Philippe Garnier est un passeur essentiel. Ses reportages ouvertement subjectifs et ses articles au long cours* sont des perles à faire lire dans les écoles de journalisme. Régulièrement, je reprends des chapitres de ses livres parce qu'ils constituent les fondamentaux de ceux qui comme moi ont grandi et muri avec le rock'n'roll ET les passions cinématographiques, littéraires, pop... Un mode de vie loin d'être acquis à la fin des 70's. Quant à ses fameuses digressions, elles me donn(ai)ent envie de découvrir les territoires qu'elles entr'ouvraient. J'ai donc commandé de suite ce "Retour vers David Goodis".
    Bien cordialement

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  2. PS : J'ai reçu le coffret de l'émission Cinéma Cinémas. Certaines séquences sont délicieuses. Un des meilleurs interviouves : Philippe Garnier impressionné rencontre Angie Dickinson, toujours craquante, qui lui fait du rentre-dedans. Garnier est troublé. Je ne l'ai pas retrouvée chez YT...
    https://www.youtube.com/user/bujutom/videos

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  3. Philippe Garnier !… Cette grosse pute Gallimard atlantiste de mes deux !… Réingurgiteur des mythes les plus bidons de LA!… Qui en a fait une rente!… Mauvais traducteur, mauvais auteur, platement imitateur de tout ce qui s'est fait de plus minable outre-atlantique !… Vieille peau lamentable!… Jamais eu la moindre idée originale !… Lèche-botte s'il en fut!… Présentant Goodis comme un auteur lisible !… Au secours!… Goodis était un auteur de 3e zone, et Garnier est son thuriféraire!… Voilà la misère des crétins du polar, mystifiés par les Amerlocks qu'ils ne connaissent pas !… C'est à pleurer!…

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    1. j'ai connu Philippe de personne en Italie à une table ronde sur Fante. Il n'a rien d'un lèche-cul ou d'un arriviste , et c'est une personne qui m'a fait découvrir plain de bon trucs. Si GOODIS était de troisieme zone comment cela se fait que certains de ces polars on été réadaptés?

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  4. PG est un arriviste patenté Gallimuche, tout le monde le sait depuis longtemps, eh, le plouc "anonyme" !… Quant aux adaptations de ce tâcheron minable de Goodis, faute à la servilité minable des Françàaouis, toujours lèche-bottes des amerlocks, et, ducon, au marketing débile de l'édition, toujours prêt à faire de l'épatage sur des Ricains de dernière catégorie, t'en veux plus ?…

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  5. Et qui c'est ce "tout le monde"? Quel est le problème à etre patenté "Gallimuche" ??? Tu sais les puristes de mes deux c'est cette catégorie radical-chic et fils à papa' que je déteste le plus. NB : le lèche-botte t'écrit d'Italie...

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