Tout commence avec Johnny Cash, Folsom Prison Blues, et c'est Joe Meno qui l'a décidé. Agullo éditions nous offre là le premier roman traduit en français d'un romancier dramaturge et journaliste né en 1974. Le Blues de La Harpie est son deuxième roman, initialement publié en 2001. Ce qui n'a rigoureusement aucune incidence puisque, si on sait dès le départ que l'histoire se déroule à La Harpie, bourgade de l'Illinois, l'époque n'a absolument aucune importance...
Adoubé par Hubert Selby Jr lui-même, Joe Meno débarque donc en contrées francophones avec ce roman qui nous dévoile les codes de vie d'une petite ville un brin paumée en pleine campagne du MidWest.
Luce a trouvé un boulot à la station service locale, chez Clutch Everett. La première personne qui le reconnaît à son arrivée s'appelle Charlene Dulaire. Elle est belle, "douce et dorée comme une tartine beurrée". C'est la sœur cadette de Ullele, celle avec qui Luce a eu une histoire avant son arrestation, celle qui avait "trois ou quatre (dents) en trop, ce qui donnait l'impression que sa bouche était immense." Pas de chance... Luce a un logement minable à l'hôtel du coin, où il rejoint un de anciens codétenus, Junior Breen, qui travaille lui aussi à la station service. Junior Breen, sorte de mastodonte emprisonné parce qu'à l'âge de 17 ans, il a étranglé une fille "pour lui rendre service". Junior, malgré son surnom, a la bonne quarantaine, et c'est un poète, à sa façon un peu particulière. Son inspiration s'exprime sur les panneaux de vitrine de la station service.
"Méga promo sur tous pneus d'occasion
Clairs et ronds comme
des yeux envoûtés où
coule l'amour telle la sève."
Clairs et ronds comme
des yeux envoûtés où
coule l'amour telle la sève."
L'hôtel du coin, parlons-en, car c'est un des hauts lieux symboliques de cette histoire. Sa propriétaire, la vieille Lady Saint-François, avec son fard à paupières violet, ses bières et ses clopes. Et ses chambres hideuses, précédées d'un vestibule où gît un petit chat blanc mort, habillé de rouge, délicatement posé au centre d'un cercle de bougies. Des oiseaux morts. Des criquets, des papillons de nuit. Une gigantesque Vierge Marie, encore elle, sur un tableau, au mur de la chambre de Junior. Un capharnaüm mi-gothique, mi-vaudou, et totalement angoissant.
C'est dans cette atmosphère pour le moins singulière que les deux hommes vont devoir s'efforcer de vivre, ou de survivre. La grande force de Joe Meno est assurément dans la caractérisation des personnages, véritable travail de dramaturge. Tous ceux qui peuplent Le Blues de la Harpie sont mémorables à leur façon, et l'auteur sait les enraciner en nous, leur donner vie en utilisant leur passé et leur environnement. Au fur et à mesure que se déroule l'histoire de Luce Lemay, Joe Meno sait faire surgir en nous des images puissantes, issues de nos propres souvenirs, et c'est pour cela qu'elles ne nous quittent pas. Vers la fin du livre, les fuyards qui ne parviennent pas à s'arracher à La Harpie, alors qu'il le faut absolument, font penser à ces silhouettes que Charles Laughton découpe sur fond de ciel étoilé, dans La Nuit du chasseur. Sauf que là, les fuyards ne sont pas innocents. Et c'est la grande affaire de ce roman fascinant : l'innocence, celle qu'on ne retrouve jamais. Et une question aussi : peut-on reconstruire une vie sur les cendres d'un désastre ?
Joe Meno, Le Blues de La Harpie, traduit de l'américain par Morgane Saysana, Agullo éditions, en librairie dès le 26 janvier.
C'est dans cette atmosphère pour le moins singulière que les deux hommes vont devoir s'efforcer de vivre, ou de survivre. La grande force de Joe Meno est assurément dans la caractérisation des personnages, véritable travail de dramaturge. Tous ceux qui peuplent Le Blues de la Harpie sont mémorables à leur façon, et l'auteur sait les enraciner en nous, leur donner vie en utilisant leur passé et leur environnement. Au fur et à mesure que se déroule l'histoire de Luce Lemay, Joe Meno sait faire surgir en nous des images puissantes, issues de nos propres souvenirs, et c'est pour cela qu'elles ne nous quittent pas. Vers la fin du livre, les fuyards qui ne parviennent pas à s'arracher à La Harpie, alors qu'il le faut absolument, font penser à ces silhouettes que Charles Laughton découpe sur fond de ciel étoilé, dans La Nuit du chasseur. Sauf que là, les fuyards ne sont pas innocents. Et c'est la grande affaire de ce roman fascinant : l'innocence, celle qu'on ne retrouve jamais. Et une question aussi : peut-on reconstruire une vie sur les cendres d'un désastre ?
Joe Meno, Le Blues de La Harpie, traduit de l'américain par Morgane Saysana, Agullo éditions, en librairie dès le 26 janvier.
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