Eva Dolan est une des "étoiles montantes" du polar britannique, dit le Guardian : et de fait, elle est de tous les festivals qui comptent, ses "collègues" auteurs ne tarissent pas d'éloges sur son talent, il était donc temps de la découvrir. C'est chose faite grâce aux éditions Liana Levi et à la traductrice Lise Garond. Eva Dolan a franchi la barrière qui sépare la critique littéraire - elle était chroniqueuse de polars - de l'état d'auteure, et on peut dire, à la lecture de ce premier roman traduit en français, qu'elle a su tirer parti de sa connaissance du genre. Eva Dolan fait sienne la croyance de bon nombre d'auteurs britanniques: pour elle, le polar n'a pas son pareil pour raconter le monde qui nous entoure, et pour s'immiscer dans les failles les plus intimes de la société.
Riche de son savoir-faire, de son esprit d'investigation et d'analyse, elle nous emmène avec Les chemins de la haine sur les pas de l'inspecteur Zigic et du sergent Ferreira, qui exercent dans la ville de Peterborough, non loin de Cambridge la très snob, et surtout pas très loin non plus des ports d'arrivée des migrants.
Nous y voilà. Zigic est d'origine serbe, sa partenaire Ferreira d'origine portugaise : l'un et l'autre ont une petite idée de ce que c'est de se sentir étranger dans le pays où l'on vit. Mais depuis plusieurs années, Peterborough vit une situation... inconfortable. De l'autre côté de la Manche, la région de Calais et les migrants subissent les problèmes qu'on connaît. En Angleterre, la situation est un brin différente : les migrants qui sont là ont atteint leur but, et l'Angleterre libérale en profite largement. Petits et grands entrepreneurs exploitent allègrement une main d’œuvre pas chère, corvéable à merci, lui imposant des conditions de travail intolérables. Quant aux conditions de vie... Ceux qui ne font pas partie des "entrepreneurs", petits propriétaires de tout poil, se paient eux aussi sur le dos des migrants en leur proposant des hébergements précaires et indignes à prix d'or... Ceux qui ne font partie d'aucune de ces deux catégories pestent contre la situation: les migrants dans la rue, sans papiers, sans abri. Certains d'entre eux se laissent séduire par des partis politiques d'extrême-droite qui proposent des solutions pour le moins radicales. Bref, tout cela nous rappelle quelque chose, non ?
Riche de son savoir-faire, de son esprit d'investigation et d'analyse, elle nous emmène avec Les chemins de la haine sur les pas de l'inspecteur Zigic et du sergent Ferreira, qui exercent dans la ville de Peterborough, non loin de Cambridge la très snob, et surtout pas très loin non plus des ports d'arrivée des migrants.
Nous y voilà. Zigic est d'origine serbe, sa partenaire Ferreira d'origine portugaise : l'un et l'autre ont une petite idée de ce que c'est de se sentir étranger dans le pays où l'on vit. Mais depuis plusieurs années, Peterborough vit une situation... inconfortable. De l'autre côté de la Manche, la région de Calais et les migrants subissent les problèmes qu'on connaît. En Angleterre, la situation est un brin différente : les migrants qui sont là ont atteint leur but, et l'Angleterre libérale en profite largement. Petits et grands entrepreneurs exploitent allègrement une main d’œuvre pas chère, corvéable à merci, lui imposant des conditions de travail intolérables. Quant aux conditions de vie... Ceux qui ne font pas partie des "entrepreneurs", petits propriétaires de tout poil, se paient eux aussi sur le dos des migrants en leur proposant des hébergements précaires et indignes à prix d'or... Ceux qui ne font partie d'aucune de ces deux catégories pestent contre la situation: les migrants dans la rue, sans papiers, sans abri. Certains d'entre eux se laissent séduire par des partis politiques d'extrême-droite qui proposent des solutions pour le moins radicales. Bref, tout cela nous rappelle quelque chose, non ?
C'est dans ce contexte qu'Eva Dolan va dérouler son roman, véritable polar dans les règles de l'art, avec des personnages attachants ou révoltants, une intrigue qui tient la route, une enquête rythmée, des retournements habiles, et, en toile de fond, une colère, une révolte et un esprit critique qui savent s'exprimer sans hurlements, sans pathos ni larmoiements.
Le roman commence par un prologue en forme de scène choc : qui est cet homme qui s'éveille, pieds et poings liés, sur le sol d'une grange immonde, en compagnie des rats qui s'échappent de l'enclos des cochons, tout proche ? Et qui va réussir, miraculeusement, à échapper au sort abominable qui lui est promis, s'enfuyant sous les balles dans la campagne anglaise, poursuivi par les chiens, les hommes et leurs armes ? S'échapper, pour combien de temps ?
Quelques jours plus tôt, Highbury Street, Peterborough. Zigic, depuis 5 ans, dirige la Section des crimes de haine, et en 5 ans, la situation est devenue dramatique. Plus de travail, des crédits immobiliers hors de prix. Les Polonais qui occupaient autrefois le quartier se sont embourgeoisés et se sont installés ailleurs. Aujourd'hui, Highbury Street accueille Bulgares, Estoniens, Slovènes... Au numéro 63 vivent les Barlow. Leur cabane de jardin vient de brûler intégralement. Pas si grave, finalement. Sauf qu'à l'intérieur de la cabane, il y a un homme. Carbonisé. Accident dramatique, meurtre ?
Les Barlow, à l'évidence, ne roulent pas sur l'or. Auraient-ils voulu mettre du beurre dans les épinards en louant leur cabane de jardin, comme d'autres louent leur garage ? C'est une des premières questions qui se pose aux enquêteurs Zigic et Ferreira. Cet homme qu'on a retrouvé littéralement caramélisé dans son duvet, on en présume bientôt l'identité : ce serait un dénommé Stepulov, originaire d'Estonie. L'enquête va emmener notre couple de choc au cœur du milieu des migrants, et leur dévoiler des réalités dures à avaler. Estoniens, Kosovars, Portugais, Chinois : tous ces nouveaux arrivants se retrouvent là, dans cette ville anglaise en pleine crise économique, et sont confrontés non seulement à la brutalité de l'accueil qui leur est réservé, mais aussi à une solitude redoutable et à une véritable absence de communication. Entre Paolo le Portugais et son collègue chinois, avec qui il partage un boulot de brute dans le bâtiment, il n'y a rien en commun, hormis une cigarette partagée. Cette cigarette-là suffira à créer entre les deux hommes ce qui ressemble à de l'amitié. De courte durée, puisque l'ouvrier chinois connaîtra un destin tragique... Les familles qui ont eu la chance de rester ensemble essaient de rester soudées, mais bien vite, les conditions de vie sordides créent hostilités, conflits et séparations. Et puis il y a la tentation de l'illégalité, pour s'en sortir, pour se révolter contre un sort indigne : trafic pour les hommes, prostitution pour les femmes, classique...
Inutile de dire que l'enquête va être difficile : entre défiance, difficultés de dialogue, peur, obstacles dressés devant eux pour empêcher que soient mis en cause des notables locaux, Zigic et Ferreira vont devoir faire des miracles pour faire éclater la vérité et dévoiler les véritables coupables... Eva Dolan mène son affaire avec brio, fait preuve d'une implication évidente dans les problèmes qu'elle a choisi d'affronter et d'une bonne connaissance d'une question complexe et explosive. Elle met en place un couple d'enquêteurs aux personnalités à la fois contrastées et complémentaires, deux vraies personnes dotées d'un passé, d'une vie personnelle et de zones d'ombre qui en font des héros attachants, condition indispensable à la réussite de ce genre de roman. Les chemins de la haine est un vrai polar, avec les "twists" et les clés qui en font un roman qu'on ne lâche pas ; Les chemins de la haine est aussi un roman social, voire politique, sans être militant. Et Eva Dolan est indéniablement une auteure à suivre.
Eva Dolan, Les chemins de la haine, traduit de l'anglais par Lise Garond, Liana Levi
Le roman commence par un prologue en forme de scène choc : qui est cet homme qui s'éveille, pieds et poings liés, sur le sol d'une grange immonde, en compagnie des rats qui s'échappent de l'enclos des cochons, tout proche ? Et qui va réussir, miraculeusement, à échapper au sort abominable qui lui est promis, s'enfuyant sous les balles dans la campagne anglaise, poursuivi par les chiens, les hommes et leurs armes ? S'échapper, pour combien de temps ?
Quelques jours plus tôt, Highbury Street, Peterborough. Zigic, depuis 5 ans, dirige la Section des crimes de haine, et en 5 ans, la situation est devenue dramatique. Plus de travail, des crédits immobiliers hors de prix. Les Polonais qui occupaient autrefois le quartier se sont embourgeoisés et se sont installés ailleurs. Aujourd'hui, Highbury Street accueille Bulgares, Estoniens, Slovènes... Au numéro 63 vivent les Barlow. Leur cabane de jardin vient de brûler intégralement. Pas si grave, finalement. Sauf qu'à l'intérieur de la cabane, il y a un homme. Carbonisé. Accident dramatique, meurtre ?
Les Barlow, à l'évidence, ne roulent pas sur l'or. Auraient-ils voulu mettre du beurre dans les épinards en louant leur cabane de jardin, comme d'autres louent leur garage ? C'est une des premières questions qui se pose aux enquêteurs Zigic et Ferreira. Cet homme qu'on a retrouvé littéralement caramélisé dans son duvet, on en présume bientôt l'identité : ce serait un dénommé Stepulov, originaire d'Estonie. L'enquête va emmener notre couple de choc au cœur du milieu des migrants, et leur dévoiler des réalités dures à avaler. Estoniens, Kosovars, Portugais, Chinois : tous ces nouveaux arrivants se retrouvent là, dans cette ville anglaise en pleine crise économique, et sont confrontés non seulement à la brutalité de l'accueil qui leur est réservé, mais aussi à une solitude redoutable et à une véritable absence de communication. Entre Paolo le Portugais et son collègue chinois, avec qui il partage un boulot de brute dans le bâtiment, il n'y a rien en commun, hormis une cigarette partagée. Cette cigarette-là suffira à créer entre les deux hommes ce qui ressemble à de l'amitié. De courte durée, puisque l'ouvrier chinois connaîtra un destin tragique... Les familles qui ont eu la chance de rester ensemble essaient de rester soudées, mais bien vite, les conditions de vie sordides créent hostilités, conflits et séparations. Et puis il y a la tentation de l'illégalité, pour s'en sortir, pour se révolter contre un sort indigne : trafic pour les hommes, prostitution pour les femmes, classique...
Inutile de dire que l'enquête va être difficile : entre défiance, difficultés de dialogue, peur, obstacles dressés devant eux pour empêcher que soient mis en cause des notables locaux, Zigic et Ferreira vont devoir faire des miracles pour faire éclater la vérité et dévoiler les véritables coupables... Eva Dolan mène son affaire avec brio, fait preuve d'une implication évidente dans les problèmes qu'elle a choisi d'affronter et d'une bonne connaissance d'une question complexe et explosive. Elle met en place un couple d'enquêteurs aux personnalités à la fois contrastées et complémentaires, deux vraies personnes dotées d'un passé, d'une vie personnelle et de zones d'ombre qui en font des héros attachants, condition indispensable à la réussite de ce genre de roman. Les chemins de la haine est un vrai polar, avec les "twists" et les clés qui en font un roman qu'on ne lâche pas ; Les chemins de la haine est aussi un roman social, voire politique, sans être militant. Et Eva Dolan est indéniablement une auteure à suivre.
Eva Dolan, Les chemins de la haine, traduit de l'anglais par Lise Garond, Liana Levi
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