15 septembre 2021

Anna de Sandre, "Villebasse" : des hommes, des femmes, un chien et un parapluie rouge


Villebasse est une petite ville tapie au fond d'une vallée du Sud-Ouest. "Elle semblait avoir été construite pour fixer les instables." Cette ville est au cœur des histoires que va nous raconter Anna de Sandre, puis qu'il s'agit bien de cela : des histoires d'humains, d'animaux, de rues sous une étrange lune bleue. Le Chien, le bien nommé, servira de fil rouge à ces intrigues irriguées par la topographie d'une ville indéfinissable, porteuse de secrets indicibles, et pourtant bien ordinaire. On y trouve des commerces, des entreprises plus ou moins florissantes - plutôt moins que plus, d'ailleurs, une école, des places, des rues, des carrefours. Et des humains. 

Tenez, Dora par exemple, qui avance dans le vent froid, piétinant la neige, et s'en va épier la maison d'une femme, une artiste, une salope. Et Le Chien, qui la regarde en souriant.  Allez savoir pourquoi... Il y a Samuel Os-de-Seiche, amoureux fou de la grande Lulu qui, pour toute réponse, lui balance un "Casse-toi, microbe!". La scène se passe au Ventre de l'ogresse, le bistrot qui sert de cœur à Villebasse. Il y a la pauvre petite Sorraya, violée sous les yeux de sa bande de copains et du Chien, bien sûr. Le Chien omniprésent, vigilant, vengeur. Le Chien qui est à l'origine de la singularité de Villebasse, de son climat singulièrement rigoureux et de cette lune bleue... 

Sous le couvert de titres de chapitres qui ressemblent tantôt à des haïkus, tantôt à des titres de contes pour enfants, Anna de Sandre avance masquée, et nous emmène à sa suite à la découverte de destins dérisoires ou tragiques, de personnages qui se croisent et se décroisent, se connaissent sans s'aimer, se frôlent sans se toucher, se touchent sans s'étreindre. Fragiles, fous, cruels, victimes, bourreaux : Villebasse est un concentré d'humanités blessées ou instables, de vérités dures à avaler. 

L'intrigue serpente entre les histoires, tout comme Le Chien. L'écriture tantôt poétique, tantôt cruellement réaliste, est émaillée de saillies d'humour et d'espièglerie comme d'autant d'aspérités salutaires. Anna de Sandre tisse autour de nous un cocon d'étrangeté et de sortilèges, fait appel sans ostentation à des références littéraires toujours bienvenues, et au Parapluie rouge, ce tableau signé Avigdor Arikha, l'ami de Beckett, tableau aussi profond que son sujet semble dérisoire, éminemment beckettien. Et ça n'est probablement pas un hasard... 

Anna de Sandre, Villebasse , La Manufacture de livres


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Articles récents