Ceci n'est pas un top 6, ce n'est pas un florilège non plus. Bien plutôt une forme d'acte de contrition. Eh oui, avec l'esprit de Noël, le spirituel est passé par là. Trève de plaisanterie, vous avez peut-être remarqué que cette année 2023 a été un peu chaotique pour moi. Je ne vais pas vous faire pleurer avec l'angoisse de la page blanche : après tout, ce ne sont que des chroniques. Mais quand même, pour rester dans les lieux communs, faute avouée est, paraît-il, à moitié pardonnée. Alors avant de basculer en 2024, voici quelques romans qui m'ont aidée à franchir le cap de cette "annus horribilis", tant sur le plan personnel que sur celui de l'état du monde. Six romans qui auraient mérité une bonne vraie chronique, six romans qui m'auront encouragée, espérons-le, à aborder 2024 avec davantage d'énergie et d'enthousiasme. Il vaudrait mieux, vu que le mois de janvier s'annonce fertile. Bonne fin d'année à tou.te.s !
Volna, de Christophe Siébert, Mu éditions
J'ai fait la connaissance de Christophe Siébert avec Valentina (voir chronique ici). J'étais assez impatiente de retrouver Mertvecgorod, l'état-cité entre Russie et Ukraine où Siébert a choisi de situer ses romans. Avec Volna, nous opérons un saut dans le temps pour passer de l'an 2000 à 2033. Volna inaugure un nouveau cycle baptisé "Après le black-out" : il ne faudra pas longtemps au lecteur pour comprendre qu'il s'est produit , depuis Valentina, une catastrophe qui a fait de Mervetcgorod, lieu déjà peu désirable, un enfer sécuritaire, avec couvre-feu, interdictions diverses, dictature et corruption au pouvoir, restrictions énergétiques : imaginez une calamité, Mertvecgorod vous l'offre. Au beau milieu de ce chaos, Roman et Catherina, deux personnages bien ordinaires et bien malheureux, colocataires par obligation, vont se retrouver mêlés à une course désespérée après un singe capucin qui dissimule une carte SIM porteuse d'informations très dangereuses. Entre recherche de liberté, fuite en avant et solidarité, Roman et Catherina nous entraînent dans un roman d'action particulièrement réussi : le rythme est au rendez-vous, le suspense aussi, le propos provocateur et électrisant.
Gilles Verdet, L'Arrangement, éditions in8
Gilles Verdet publie des romans singuliers, à la fois poétiques, audacieux et stimulants (voir ici). Avec L'Arrangement, il raconte une parenthèse de révolte dans la vie de deux femmes, la narratrice et Amandine. Ces deux-là travaillent dans un supermarché de la région parisienne, se tapent les transports aux aurores, de longues journées suivies d'un retour au bercail tout aussi long et d'un repos tout relatif. Amandine la caissière a fait une bêtise : elle a osé fermer les yeux sur un pack de bière. L'erreur n'est pas passée inaperçue : l'homme qui sert de DRH ou de garde-chiourme va profiter de la situation. Une petite pipe, un petit coup en douce, qu'est-ce que ça représente pour une femme qui n'en veut pas ? L'assurance de garder son travail, ça n'est pas rien tout de même. Sauf que cette fois, ça ne passe pas. La narratrice et sa copine Amandine vont franchir la barrière : "On va le crever, je te le jure", murmure la narratrice à Amandine. Les voilà parties toutes les deux en voiture, un Beretta dans le sac et le bonhomme dans le coffre. Fécamp, Marseille : sur fond de manifestations de gilets jaunes et de France écartelée, le road movie, Thelma et Louise à la française, est un vrai bonheur de lecture, une exhortation à la révolte, une ode à la vie et aux femmes qui fait du bien, par les temps qui courent.
Jakub Szamalek, Datas sanglantes, traduit du polonais par Kamil Barbarski, Métailié noir
On a découvert Jakub Szamalek avec Tu sais qui, paru en 2022 (voir chronique ici). Avec Datas sanglantes, deuxième volume de la trilogie Dark Net, il poursuit son entreprise de dévoilement et reprend certains personnages de Tu sais qui, qu'il plonge dans une aventure aussi bien construite que passionnante. En novembre 2018, une jeune "camgirl" est assassinée en direct au cours d'une de ses séances vidéo. La journaliste Julita va commencer à enquêter sur cette affaire et se retrouver au beau milieu d'une histoire liée à un nouveau parti politique et aux sombres manoeuvres de ceux qui entendent bien mettre les algorithmes au service de leurs noirs desseins. Szamalek a un don pour la narration qui lui permet d'expliquer les ressorts du monde des hackers, des fake news et autres calamités qui sont en train de transformer notre monde tout en entraînant le lecteur dans une intrigue passionnante et à peu près inlâchable.
C'est avec Gueules d'ombre que Lionel Destremau a fait son entrée remarquée dans le monde merveilleux des romanciers (voir chronique ici). Jusqu'à la corde confirme que nous tenons un auteur sur qui compter. Jusqu'à la corde reprend ce qui faisait de Gueules d'ombre un roman aussi original que profond : situation géographique et temporelle indéterminée, patronymes surprenants... Dès le début du roman, qui commence par la découverte d'un enfant noir mort, Lionel Destremau déploie son savoir faire dans un récit complexe. A travers la distance que lui permettent ses choix narratifs, il parvient à aborder avec élégance des questions aussi cruciales que le racisme et l'exercice du pouvoir. Un roman aussi dérangeant que bouleversant.
Avec ce troisième épisode de la série « Six versions » (voir chroniques), Matt Wesolowski réussit largement son pari. Si on pouvait craindre l'écueil qui guette les auteurs de séries, à savoir la reproduction, la routine, on peut dire que cet auteur-là sait où il va ! Dans Le disparu du Wentshire, il est question d'un petit garçon qui s'évanouit dans la nature au cours d'un trajet en voiture avec son père. Evaporé, disparu, volatilisé... Scott King, le podcaster va se pencher à contrecœur sur cette affaire du passé. C'est que sa dernière expérience lui a valu des menaces et autres désagréments... Pour cette nouvelle série de podcasts, il va reprendre ses entretiens avec les principaux témoins de l'affaire et réussir à nous passionner pour cette disparition inexpliquée. Mais là, l'auteur et son héros passent un cap qu'il n'est pas question d'expliquer ici, mais qui confère au roman une humanité bouleversante, au-delà de l'intrigue et des personnages, toujours captivants. Une belle réussite.
Pierre Olivier, Lorsque tous trahiront, La Manufacture de livres
Souvent, l'amateur de polars s'adonne avec délices à la lecture de romans d'espionnage. En tout cas, c'est mon cas ! Avec ce roman, Pierre Olivier a remporté le Prix du roman d'espionnage, et le texte tient largement ses promesses. Largement inspiré de faits historiques authentiques, Lorsque tous trahiront se déroule en février 1945 à Sigmaringen C'est là que se sont réfugiés les collabos, c'est là qu'un vent de panique commence à souffler. Surtout après la mort de Jacques Doriot, abattu dans sa voiture par un mystérieux avion. Le héros du roman, un jeune lieutenant, va mener l'enquête et découvrir des secrets très dangereux pour ceux qui les partagent... Une période passionnante vue sous un angle troublant, une narration précise et des personnages ambigus : tout cela n'est pas sans rappeler notre cher Philip Kerr.
Souvent, l'amateur de polars s'adonne avec délices à la lecture de romans d'espionnage. En tout cas, c'est mon cas ! Avec ce roman, Pierre Olivier a remporté le Prix du roman d'espionnage, et le texte tient largement ses promesses. Largement inspiré de faits historiques authentiques, Lorsque tous trahiront se déroule en février 1945 à Sigmaringen C'est là que se sont réfugiés les collabos, c'est là qu'un vent de panique commence à souffler. Surtout après la mort de Jacques Doriot, abattu dans sa voiture par un mystérieux avion. Le héros du roman, un jeune lieutenant, va mener l'enquête et découvrir des secrets très dangereux pour ceux qui les partagent... Une période passionnante vue sous un angle troublant, une narration précise et des personnages ambigus : tout cela n'est pas sans rappeler notre cher Philip Kerr.
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