Chez Monsieur, il y a aussi sa fille et sa petite-fille, une gamine de quatre ans prénommée Sylvie. Catherine a le droit de s'occuper de Sylvie, c'est même à elle qu'on la confie quand on ne sait pas quoi en faire. Et ce jour-là, justement, on ne sait pas quoi en faire. Alors Catherine emmène la petite Sylvie dans la cour, avec l'étable et la grange qui sont les lieux préférés de Catherine. Dans la cour, il y a du monde : toute l'équipe de journaliers italiens qui logent pas loin et qui viennent aider les travailleurs de la ferme quand c'est nécessaire. Au passage, l'un d'entre eux taquine Catherine. Une seconde d'inattention : Sylvie a disparu. Il fait nuit, on a allumé des flambeaux et pourtant il faut se rendre à l'évidence : Sylvie n'est nulle part...
Récolte de betteraves |
Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, personne n'accuse Catherine. On se contente de la mépriser, comme d'habitude. La nouvelle de la disparition fait vite tache d'huile : et comme Monsieur est quelqu'un d'important, deux policiers parisiens vont faire le déplacement et s'installer dans les environs pour mener leur enquête. Ces gens-là sont sûrement très brillants, mais ils n'ont pas l'habitude du froid et de la boue. Leur truc à eux, c'est plutôt le pavé de Paris. Alors là, à la ferme, ils sont complètement perdus. Et l'enquête piétine longtemps. Monsieur a beau être le seigneur de son pays, sa petite-fille reste introuvable...
Louise Mey, dont le roman précédent La Deuxième Femme a remporté un beau succès malgré - ou à cause - de son sujet difficile - une femme sous emprise - poursuit avec Petite sale son chemin, voire sa croisade, vers une littérature noire empreinte de féminisme, de révolte et de conscience sociale. Elle le fait à sa manière, avec un style très direct, qui interpelle le lecteur, pétri d'ironie et de lucidité, et un savoir-faire narratif incontestable. Dans Petite sale, Catherine est une héroïne sans gloire, à bas bruit. Le final du roman est d'autant plus surprenant qu'on a pris l'habitude, au fil des pages, de la considérer comme une victime, de celles qui ne se révoltent pas. Le milieu où se déroule Petite sale est lui aussi décrit avec acuité, cruauté et réalisme - l'observation est tellement juste qu'on peut dire qu'"elle sent le vécu". Arme à double détente, féministe et sociale, Petite sale est un livre qui s'insinue lentement et durablement dans la tête du lecteur, de ceux qui font dire que le roman noir est le plus court chemin vers la vérité.
Louise Mey, Petite sale, Le Masque
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