14 mai 2024

Alan Parks, "Joli mois de mai" : pas de printemps pour McCoy


En ce joli mois de mai, Harry McCoy sort de l'hôpital. Ulcère hémorragique. Les consignes : "Du repos, pas de sources de stress, ni tabac ni alcool. Et il était là, de retour au boulot, une clope allumée à la main." Devant le tribunal de Glasgow, une foule haineuse réclame la pendaison pour les trois prisonniers qu'on vient de condamner. Le quartier est totalement bloqué, hommes, femmes et même enfants hurlent le même mot d'ordre, brandissent des pancartes, balançant des bouteilles. Il pleut, bien sûr. Les prisonniers ? Trois gamins coupables d'avoir incendié un salon de coiffure et provoqué la mort de 4 personnes, enfants compris. A priori, l'affaire est close. Sauf que le fourgon qui emmène les condamnés est violemment percuté par un camion, et les trois prisonniers enlevés par des inconnus. McCoy assiste à la scène, l'estomac en feu, il n'a même pas le temps de se cacher pour vomir.


Malgré la situation électrique, on retrouve avec plaisir l'équipe de flics,qui travaille avec McCoy, à commencer par son supérieur Murray et son fidèle équipier Wattie. Heureusement, car McCoy va avoir besoin de l'appui de son groupe pour affronter l'affaire qui l'attend. Pour l'heure, la vie continue, les drames aussi. Un vieil homme vient de tomber du haut d'un bâtiment, le Great Northern, un de ces établissements sordides spécialisés dans l'accueil des hommes seuls à la dérive. McCoy connaît bien les lieux : son père y a vécu, et lui-même y a patrouillé lorsqu'il était plus jeune. D'ailleurs, il connaît la victime : c'est Dirty Ally, de son vrai nom Alistair Drummond. Le vieux tenait un stand de revues porno plus ou moins clandestin... Accident, suicide, homicide ? Non loin de là, au cimetière de Sighthill, un promeneur de chien vient de retrouver le corps d'une jeune fille. Pas de papiers, aucun moyen d'identifier la malheureuse. Le quotidien de McCoy, de quoi expliquer son ulcère, de quoi l'occuper aussi. Comprendre ce qui est arrivé au vieux Dirty Ally, découvrir l'identité de la fille de Sighthill.

Et comme si ça ne suffisait pas, un des trois prisonniers enlevés devant le tribunal vient d'être retrouvé mort, torturé, mutilé. Son corps est accompagné d'un message laconique : "Un en moins, plus que deux. Justice pour les victimes. Exode 21:25". Il va falloir jouer serré : McCoy veut absolument retrouver les deux autres prisonniers avant qu'ils ne connaissent le même sort, même si la population de Glasgow pense que finalement, ils l'ont bien cherché, ces trois monstres. Mais dès le début, McCoy trouve la situation étrange : mettre le feu à un salon de coiffure, ça n'a aucun sens. Il va falloir creuser, et ça promet d'être compliqué.

McCoy et Glasgow, c'est une longue histoire. Il y a vécu toute sa vie, y a passé une enfance chaotique, démarré sa carrière de flic. Il connaît la ville comme sa poche, et sait qui contrôle quoi. Son copain d'enfance, Cooper, qui a choisi la mauvaise voie, n'y est pas pour rien. Dans les quartiers nord, le territoire se partage entre Johnnie Smart et Dessie Caine. Ce dernier est cul et chemise avec le Père Mc Kenna : il s'est même acheté une place au Paradis en finançant généreusement la construction de la nouvelle église du quartier. McCoy connaît tous les repaires de la pègre locale : les pubs, les boîtes, qu'il écume au son des musiques de l'époque (David Bowie, Roxy Music, Pink Floyd, les Stones... Tom Jones). A sa suite, on arpente les rues d'une ville qui n'a pas encore gagné ses galons de ville d'art et de tourisme. Nous sommes en 1974, et à Glasgow comme dans bien d'autres métropoles, on chasse les pauvres du centre ville pour les reléguer dans les banlieues, créant ainsi des ghettos explosifs... En attendant la fin du processus, les caïds du coin continuent à se disputer les quartiers : la clé du pouvoir, c'est le territoire. 

L'enquête principale de McCoy va se déployer, avalant sur son passage les crimes "satellites" auxquels il est confronté. Car à Glasgow, tout est dans tout, tout est lié : l'incendie et l'enlèvement des coupables, la mort de Dirty Ally, celle de la fille du cimetière... Au fur et à mesure qu'il avance, McCoy reconstitue la mécanique criminelle, échafaude des hypothèses, se trompe, se relève, recommence, opiniâtre, jusqu'à ce qu'il bute sur une vérité qui fait mal. Tout en avalant des litres de Pepto Bismol... Sur son chemin, Alan Parks sème des petits cailloux qui nous en disent un peu plus sur le passé de McCoy. Dans Joli mois de mai, on va ainsi assister à une scène qui en dit long sur sa relation avec un père qui n'hésitait pas à laisser le petit garçon tout seul enfermé dans un taudis pendant tout le week-end avec un vieux morceau de pain, pendant que lui partait en virée avec ses copains. Les retrouvailles n'auront rien de tendre, et laisseront McCoy prostré, les larmes aux yeux. Nous aussi.

Une belle réussite de plus pour cette série qui, de roman en roman, nous attache davantage à l'auteur, à son héros et à sa ville.

Alan Parks sera présent au Festival du Goéland Masqué à Penmarc'h (29) du 18 au 20 mai.

Alan Parks, Joli mois de mai, traduit par Olivier Deparis, Rivages / Noir


 

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