Y aurait-il un style de roman policier made in USA associant la découverte des grands espaces encore vierges et une violence sans retenue? C. J. Box est l'un de ces auteurs à succès qui font autorité en la matière. C'est en tout cas ce qu'il semble en lisant les quelques bios et autres articles sur internet le concernant. Pour en savoir plus je me suis donc procuré un de ses livres (Ciels de foudre - Points) à la quatrième de couverture aguichante. Lisez plutôt: "il avait charcuté des centaines d'animaux. Mais là, ce serait son premier bonhomme". Passons aux choses sérieuses avec tout d'abord le style. C'est facile à lire car si le traducteur n'a pas trahi le texte original, voici un auteur qui parle une langue simple sans artifice pour décrire avec précision lieux et personnages tout en utilisant un minimum de mots justes et bien choisis. On se promènera dans ce livre sans effort avec le plaisir de déguster immédiatement l'histoire sans passer par la case mise en bouche. En revanche ce texte sent un peu le scénario pour film ou série télé avec des scènes rapides, coupées au cutter, ponctuées de dialogues volontairement courts et directs. Signalons aussi l'utilisation d'ellipses et autres artifices consistant à sauter d'un personnage à l'autre en laissant le lecteur sur sa faim. Mais même les plus grands auteurs tels Cormac McCarthy utilisent ce procédé à outrance, alors on aurait tort de s'en priver. Voyons maintenant du côté de l'histoire. Comme très souvent dans ce style de roman on est en présence de destins croisés qui vont finir en apothéose. On y rencontrera un tueur froid, un garde-chasse mal dans sa peau, sa petite femme attentive en comptable aguerrie, un homme politique borné et corrompu et enfin des propriétaires de ranchs qui se croient encore au temps des peaux-rouges. Ajouter à cela une disparition inexpliquée associée à un héritage convoité, une indispensable vengeance au milieu d'une tempête apocalyptique avec la descente en rafting d'un torrent et vous avez tous les ingrédients d'un bon roman d'aventure car c'est aussi cela le polar rural américain: le retour de la grande aventure. C.J. Box qui, d'après ses biographes, a travaillé comme guide de pêche et manœuvre dans le Wyoming, nous fait partager son expérience de la vie au grand air dans un environnement encore sauvage peuplé d'antilopes, de cerfs-mulets et de cowboys à cheval. Des terres sauvages qui peuvent s'étendre sur plusieurs milliers de kilomètres d'où la nécessité de circuler en 4x4 surpuissants et gros consommateurs de carburant. Les personnages ne manquent pas d'intérêt non plus, parce qu'ils sortent des critères standardisés du polar européen ou nordique très en vogue. Notamment l'inévitable tueur bas du front qui sème les cadavres sur sa route pour assumer sa vengeance. Il est amusant de cerner ici un modèle de tueur taillé à la serpe que l'on ne retrouve pas dans la culture européenne. Le rôle du méchant venimeux pour qui la vie de ces congénères n'a pas plus d'importance que celle d'un insecte que l'on écrase juste parce qu'il a le malheur de se poser sur votre table. Mais attention ne confondez pas avec le serial killer totalement givré, lui aussi très en vogue dans la littérature américaine. Ce tueur sans scrupule réactualise le mythe du très méchant bandit de grand chemin qui ne supporte pas un regard ou un mot de travers et plombe au sens propre tout intrus qui lui barre la route.
C.J. Box assure aussi du côté des enfants et des épouses angoissés qui ne sont pas laissés au bord de la route dans ce roman court, moins de 350 pages très riches en situations variées. Enfin on constatera, comme souvent, une fin tout à fait amorale et l'affaire sera close. Vous ne serez donc pas étonné de découvrir sur la couverture de ce polar un autocollant signalant qu'il a été sélectionné pour le prix des meilleurs polars de la collection Points 2010. Allez, pour conclure ne vous privez pas par des "a prioris non appropriés" du plaisir de voyager dans des plaines immenses sous un coucher de soleil flamboyant... comme il se doit.
CJ Box - Ciels de foudre - Traduit de l'américain par Etienne Ménanteau - Points Seuil
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