24 avril 2011

Chambre n°10 de Ake Edwardson

Encore du polar nordique ! Eh oui, voici Ake Edwardson, créateur du flic snob de Göteborg, Erik Winter. En fait, Edwardson est le premier auteur de polars suédois que j’aie lu, avant même l’indispensable Mankell.

Il a démarré en trombe avec Danse avec l’ange paru en 2002 en France. C’est dans ce livre que j’ai fait la connaissance du plus jeune commissaire de Suède, 37 ans, célibataire, habitant Göteborg. A vrai dire, pas si sympathique que ça, M. Winter. amateur de chaussures coûteuses, de whisky idem, et de free jazz chic... on est loin du John Rebus de Ian Rankin avec sa vieille Saab, son rockn’roll et sa déprime. Winter, je n’ai jamais eu envie de lui taper sur l’épaule et de lui payer une bière, et encore moins de passer une nuit blanche avec lui. Pas désagréable, mais pas franchement chaleureux. Autour de Winter, une équipe de flics qu’on suivra dans toute la série, une mère qui a choisi de s’installer du côté de Marbella (quelle horreur !) pour y siroter ses cocktails... Mais l’intrigue de son premier bouquin vaut le détour : deux meurtres en parallèle, deux jeunes gens, un à Londres, l’autre à Göteborg, tués de la même manière. L’enquête est minutieuse, on suit les enquêteurs, on partage leurs espoirs, leurs doutes, leurs frayeurs. Du beau boulot, bien ficelé, on ne lâche pas l’affaire jusqu’à sa conclusion. No spoilers ici, vous n’avez qu’à lire ! Bon ça, c’était mon premier contact avec Erik Winter. Pas le grand coup de foudre, mais bien hameçonnée quand même, la lectrice ! A vrai dire, ce pays décrit avec une sorte de distance méfiante, d’affection déçue, a fini par m’intriguer. C’est là que j’ai commencé à lire les livres de Mankell, dont je vous reparlerai bientôt, si ça ne vous dérange pas. Et que j’ai cédé à mon vieux vice : la comparaison. Wallander versus Winter, qui gagne ? Pour moi, c’est sans conteste Wallander. Déprimé soit, Kurt Wallander, mais d’une tendresse à faire fondre même les plus dures à cuire. Chez Mankell, les paysages de Scanie sont si présents, évoqués avec une telle force que j’ai plus d’une fois eu envie de prendre ma voiture pour y aller faire un tour. La mer, le ciel, les bateaux, le port, la petite ville de province qu’on voit se transformer peu à peu, choper toutes les maladies des métropoles... Wallander et son papa peintre qui peint toujours le même tableau (presque), sa fille empêtrée dans ses histoires de drogue. Tout un univers vraiment attachant, et qui reste dans la tête : Edwardson peut difficilement rivaliser, même si certains disent qu’il est le successeur de Mankell. Oui, peut-être : Winter est un citadin, même s’il entretient soigneusement au fil des livres son rêve de maison en bord de mer. Il vit à Göteborg, et là, les maladies modernes sont solidement implantées déjà. Point commun avec Mankell, malgré la différence d’âge, on sent une nostalgie, peut-être envers un système politique et social qui ne tient pas ses promesses. La Suède n’est donc pas le paradis social qu’on nous décrit ? Eh bien non, Mankell et Edwardson en sont la preuve.

Je viens de terminer un autre Edwardson, Chambre n°10. Intrigue sans bavure : on retrouve une jeune femme pendue dans une chambre d’hôtel sordide, sa main est soigneusement peinte en blanc. Et c’est Winter qui s’y colle. Ce serait trop facile si on s’arrêtait là : dans la même chambre, 18 ans auparavant, le jeune flic Winter relevait les dernières traces d’une autre jeune femme disparue corps et bien, qu’on n’a jamais retrouvée. Là encore, l’enquête est minutieuse, Winter est opiniâtre et légèrement obsessionnel. L’échec ne fait pas partie de son paysage mental. Ca fonctionne, même si - est-ce le style d’Edwardson ou la traduction - les flash backs sont parfois un peu déroutants. Sans prévenir, on se retrouve avec les mêmes personnages qu’au chapitre précédent, mais 18 ans plus tôt. Il faut parfois un petit moment pour s’adapter ! Mais après tout, ça fait partie du jeu. Autre chose : le style. Il change avec les livres. Dans les premiers, un style précis, sans trop de fioritures. Là, c’est une autre affaire : des dialogues parfois surprenants, des réflexions à haute voix, des hésitations formulées, des échanges en forme de partie de ping pong entre les enquêteurs. Intéressant...

Dans les deux cas, on suit l’évolution de la vie privée du héros. Winter, qui démarre célibataire, genre un peu séducteur voire macho, nous le retrouvons dans Chambre n°10 marié à un médecin et père de deux petites filles. Entre temps, on aura suivi ses errances sentimentales, ses projets avortés, ses espoirs inavoués... jusqu’à la stabilisation finale et au bonheur familial. Bof, on est contents pour lui, mais bon !

Pour conclure, Edwardson est un bon spécialiste du suspense, il transcrit à merveille le malaise d’une société qui a cru se trouver pour mieux se perdre. Un conseil : ne faites pas comme moi, essayez de lire ses livres dans l’ordre, car l’évolution de la vie personnelle des personnages fait partie du plaisir.

Les livres de Ake Edwardson sont disponibles chez 10/18, collection "Grands détectives"

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