Rencontre avec Donna Leon
Mercredi dernier 20 heures, rue du Dragon. Donna Leon est une star, si l'on en croit les ventes de ses livres. C'est une "donna" élégante et discrète, multiple et drôle, que nous avons rencontrée à la soirée organisée par Calmann-Lévy à l'occasion de la sortie de son dernier roman traduit en français, La petite fille de ses rêves. On y retrouve le commissaire Brunetti, sa petite famille et son fidèle adjoint Vianello. Le roman s'ouvre sur l'enterrement de la mère de Guido Brunetti, qui occupe une place bien particulière dans le microcosme vénitien qu'a su construire Donna Leon au fil des années. Car elle en est à son 21e roman en cours d'écriture... Mieux qu'un mariage !
Pourquoi Donna Leon, américaine du New Jersey, vit-elle à Venise depuis plus de 20 ans ? Pourquoi y a-t-elle créé ce personnage maintenant célèbre dans le monde entier, elle dont la spécialité serait plutôt la littérature, la vraie (!!), et en particulier Jane Austen à laquelle elle voue une admiration sans borne ? "En fait, Venise est le premier lieu où j'aie vécu plus d'un an... J'ai passé ma vie à voyager, j'ai vécu en Iran, en Suisse, en Angleterre, en Arabie Saoudite. Et un jour, par un concours de circonstances, je me suis installée à Venise. Et je ne l'ai plus quittée."
L'inspecteur Guido Brunetti, est plutôt un homme heureux. Il a une épouse délicieuse, deux enfants tout à fait normaux, il vit dans un bel appartement au coeur de Venise. Bref, il n'a rien à voir avec les inspecteurs dépressifs auxquels nous ont habitués Rankin, Mankell, Indridason ou Nesbo, pour ne citer qu'eux. "Quand j'ai commencé à écrire mon premier roman, je savais que j'allais devoir passer au moins un an de ma vie en sa compagnie. Je n'avais pas envie de vivre avec un homme mal habillé, buvant et fumant trop, mal nourri et mal aimé... J'étais pourtant loin de me douter que c'était plutôt trente ans que j'allais passer avec lui, et ce n'est pas fini. ALors j'en ai fait quelqu'un de très fréquentable !"
Dans les romans de Donna Leon, pas de psychopathes, pas de tueurs en série. Mais Venise, sa vie intime, son évolution, ses corruptions. A chaque roman, Donna Leon dévoile un pan bien caché de la Cité des doges, bien loin des clichés touristiques, même si le tourisme de masse est omniprésent dans les romans sous la forme d'une sorte de maladie qui gangrène la Ville. "C'est cela qui m'intéresse. J'écoute, je regarde, je sens la ville. Je m'inspire souvent de faits divers, d'histoires racontées dans les journaux, pour bâtir mes intrigues. D'ailleurs mon premier roman est né d'une situation bien réelle : je me trouvais un jour dans les loges, à la Fenice, en compagnie d'une amie. Je parlais avec le chef d'orchestre et sa femme. A un moment donné, l'un d'entre nous a dit : "Et si on assassinait xxx (un chef d'orchestre très connu) ?" C'était parti..."
Donna Leon fait preuve d'une étrange forme de discrétion : elle refuse obstinément de voir ses romans traduits en italien.
"Je veux rester la dame qui écrit, et pas l'auteur de best-sellers. Sinon, je pourrais dire adieu à mes conversations du matin avec le facteur et l'éboueur qui me racontent ce qui se passe dans la cité..." Quant à la célébrité télévisuelle, c'est apparemment le cadet de ses soucis. Elle se souvient à peine avoir vu un quart d'épisode de la série allemande réalisée à partir de ses romans, et diffusée en France cet été. On est content pour elle, d'ailleurs... car Venise a beau être belle, cela ne suffisait pas à cacher le manque de subtilité de cette réalisation.
Multiple, la vie de Donna Leon l'est à plus d'un titre. SI on veut vraiment parler d'elle, impossible de passer à côté de la musique, sa passion. A tel point que lorsqu'elle voyage pour promouvoir ses livres, ses déplacements sont prévus en fonction des concerts baroques qui sont programmés. Cette semaine, Donna Leon se préparait à applaudir le Julius Caesar de Haendel qui se joue en ce moment à l'Opéra Garnier. Mécène, elle aide l'orchestre Il complesso barocco. Elle a publié avec l'ensemble un livre audio sur le Bestiaire de Haendel. D'ailleurs si d'aventure vous vous rendez au théâtre des Champs-Elysées le 23 mai prochain, vous avez des chances d'y croiser Donna Leon qui viendra y applaudir Le Complesso barocco avec Alan Curtis et Joyce Di Donato qui y interpréteront l'Ariodante de Haendel. Vous ne direz pas que je ne vous aurai pas prévenus !
Quant à la littérature, elle reste une des passions de Donna Leon. Son oeil s'illumine si l'on prononce le nom de Jane Austen, dont elle admire le style fluide, le talent pour l'"understatement".. Mais si on lui demande ce qu'elle pense de cette mode universitaire qui consiste à dire que Emma de Jane Austen serait en réalité le premier roman policier, elle réplique avec malice : "Non, pour moi, c'est Oedipe Roi!" De quoi réfléchir une bonne partie de la nuit...
Bibliographie de Donna Leon sur son site : http://www.donnaleon.fr/category/livres
Tous les romans de Donna Leon parus en français chez Calmann Lévy sont traduits par William Olivier Desmond
Super, un blog juste sur les romans policiers ;)
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup Donna Leon, personnellement. Je n'ai encore pas lu toutes les aventures de Brunetti, mais ça viendra (en tout cas, j'en au le projet ;))
Death at la fenice m'avait beaucoup plu en tout cas, tout comme "through a glass, darkly" (je crois qu'en français, c'est "requiem pour une cité de verre")