De Brunetti, je ne connaissais que l’avatar allemand que nous a proposé la télévision il y a peu. C’est donc avec cette représentation stéréotypée que je me suis aventuré dans le dernier roman de cette auteure au succès international qui explore les arcanes de Venise avec délectation.
La première constatation stylistique après la lecture d’une centaine de pages de La petite fille de ses rêves est que Donna Leon écrit en prenant son temps. Décrivant lieux et événements avec la minutie et la précision d’un Balzac. Elle n’est pas pressée de nous plonger au sein de l’énigme. Lentement, elle va éplucher ses ingrédients comme un cuisinier savant prépare une recette élaborée. Il semble d’ailleurs que cela soit la tendance dans la littérature du genre outre-Atlantique dans laquelle les écrivains pisse-copie insistent sur l’aspect collatéral de leurs romans. Déjeuner en famille, promenade le long du grand canal, souvenirs d’enfance... participeront à planter le décor.
Dans ce livre Donna Leon commence donc par s’appesantir sur le chagrin de Brunetti après la perte de sa mère donnant ainsi l’occasion à l’auteur de nous faire partager quelques poncifs sur la vie, la mort et l’au-delà. Après cette mise en bouche digne d’un écrivain feuilletoniste du XIXe à laquelle participe allègrement Paola, épouse aimante et attentionnée de Brunetti, Chiara et Raffi, ses deux enfants tout droit sortis d’un catalogue de vente par correspondance, Donna nous fait rencontrer un certain Antonin, missionnaire revenu depuis peu d’Afrique et ami du frère de Brunetti. Celui-ci a franchi timidement les portes de la Questure pour lui faire part de ses doutes à l’encontre d’une sorte de gourou en soutane du nom de Mutti qui veut se faire remettre les fruits de la vente d’un appartement par quelque brebis égarée. L’on pensera que le roman commence enfin... mais il n’en est rien car il s’agit d’un leurre (qui trouvera un épilogue pour le moins bâclé dans les dernières pages) destiné à nous faire encore un peu patienter avant l’heure du crime qui marquera à la page 100 le début de cette 17e énigme.
La noyée du canal
La véritable enquête de La petite fille de ses rêves tourne autour de la mort suspecte d’une fillette non identifiée retrouvée noyée dans un canal vénitien. Guido Brunetti, partagé entre sa vie de famille "Harlequin" et son travail d’enquêteur qu’il exerce avec rigueur et dignité, va se mettre en chasse avec la lenteur d’un policier suédois. Troquant les moonboots contre des mocassins italiens faits main, il va nous mener d’un pas tranquille de rencontres en interrogatoires circonstanciés jusqu’au sein d’un camp de Roms. Tout ceci en compagnie de son fidèle Vianello dont je n’arrive pas à me débarrasser de l’image du balourd sympa, les mains dans les poches telle que la série télé nous l’a montrée. Les rapports entre la communauté du voyage et les autochtones semblent à peine esquissés alors que l’on s’attendrait à un brulot décrivant une Italie n’échappant pas à la xénophobie ambiante de notre vieille Europe qui tend à se renfermer sur elle-même avec les crises qui se succèdent, laminant des siècles de traditions humanistes. Quant à la fin, d’un cynisme cruel et presque intolérable, elle mettra mal à l’aise le lecteur engagé qui croit encore au triomphe de la vérité sur la raison. Pour conclure, cette nouvelle enquête du commissaire Brunetti ne fait que renforcer l’idée que l’on se fait au-delà des Alpes que l’Italie est un pays qui fonctionne encore sur le mode de la corruption et dans lequel la mort d’une petite fille de onze ans ne fait pas le poids devant une belle « Merco » flambant neuve...
Donna Leon La petite fille de ses rêves - Une enquête du commissaire Brunetti - Calman-Levy 20 € 90 Traduit de l’anglais (USA) par William Olivier Desmond
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