Collision fortuite dans ma petite vie culturelle : mon troisième roman de Matt Rees, et le dernier disque de Yann Tiersen. Rien à voir ? Voire ! Matt Rees nous livre une nouvelle enquête d'Omar Youssef, et ça se passe à Naplouse cette fois, chez les Samaritains. Yann Tiersen revient après deux ans d'absence avec un nouvel album, Dust Lane, où le titre phare est ... "Palestine". Le bon Yann a passé du temps à Gaza, et il en a rapporté ce morceau hypnotique, obsédant, qui n'a pas grand-chose de commun avec la musique d'Amélie Poulain pour laquelle on le connaît en général. Le disque a à voir avec le deuil et la mortalité, c'est dire qu'il n'engendre guère la gaudriole. En revanche, son écoute fait penser (pas rêver), et ce titre en particulier, où les lettes du mot Palestine sont épelées tout au long d'un rythme lourd et fort, est une merveille d'architecture sonore.
Bon, on va passer à Matt Rees, puisque c'est pour ça qu'on est là! Vous connaissez tous Omar Youssef, ce vieux prof d'histoire de Bethléem qui se retrouve dans la peau d'un détective. Cette fois, c'est à Naplouse, au nord de Jérusalem, que se déroule l'histoire, dans la petite communauté des Samaritains. Omar Youssef est là pour assister à un mariage, et c'est à un meurtre qu'il va être convié. En compagnie de son vieux copain au passé trouble, le chef de la police Khamis Zeydan, il va se trouver confronté à une situation d'urgence : résoudre le meurtre, certes, mais surtout retrouver des papiers compromettants qui, s'ils ne sont pas découverts, feront cesser l'aide que la Banque mondiale accorde à la Palestine...
L'enjeu est de taille, l'intrigue est sophistiquée, mais surtout Matt Rees monte d'un cran dans l'écriture : le style est efficace mais ciselé, les descriptions magistrales, on s'en aperçoit dès la deuxième phrase : "Pareils à des punaises de cuivre ternies, les dômes semblaient clouer à la vallée le souk ottoman et le caravansérail mamelouk. Sinon, toutes les pierres se lèveraient et s'enfuisaient en courant de cette ville répugnante, songa Omar Youssef." Et bien sûr, Matt Rees fait preuve de son habituelle habileté pour nous faire comprendre une / des sociétés complexes, une géographie méconnue, une histoire culturelle et religieuse omniprésente. En plus, il gagne en audace en abordant frontalement la question de l'homosexualité en Palestine, et moins frontalement mais tout aussi clairement la nature et le rôle trouble joué par certains dirigeants décédés ou vivants.
Un livre "gonflé", haletant, tonique, brûlant, bref un Matt Rees en grande forme !
Matt Rees, Meurtre chez les Samaritains, en Livre de Poche, traduit par Guillaume Marlière
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire