24 avril 2011

Qiu Xiaolong, la Chine comme vous ne l'avez jamais lue

Mort d’une héroïne rouge

L’inspecteur Chen Cao est le héros récurrent de Qiu Xiaolong, auteur chinois exilé aux Etats-Unis où il enseigne à la Washington University de Saint Louis. C’est un policier singulier, car avant tout poète et grand amoureux de littérature. Il est aussi traducteur de romans policiers, ce qui permet à l’auteur de pratiquer l’art du clin d’oeil et de la référence avec finesse et à-propos. Ce roman nous présente une victime d’une nature bien spéciale, puisqu’il s’agit d’une véritable héroïne du peuple, symbole de la grandeur du Parti et de la fidélité à Mao. L’inspecteur Chen va s’intéresser à la vie de cette jeune femme dont la vie n’est pas aussi simple qu’il paraît, et ses découvertes vont aboutir à de dangereuses remises en cause... Le personnage de Chen est un solitaire hyper-sensible, sa vie sentimentale est marquée par une nostalgie qui, dans une certaine mesure, l’empêche de vivre dans "la vraie vie". On ne résiste pas à la tentation de penser que ce flic poète, c’est un peu l’auteur.
Mort d’une héroïne rouge de Qiu Xiaolong, collection "Points Policier"

Le très corruptible mandarin

Dans Le très corruptible mandarin, le "papa" de l'inspecteur Chen, Qiu Xialong, l’envoie enquêter plus ou moins officiellement sur une sombre histoire de corruption de hauts fonctionnaires. Tout démarre avec la mort suspecte d’un notable dans un lieu peu recommandable. Puis c’est le tour d’une ancienne amie de Chen, devenue vedette de télé, de passer l’arme à gauche dans des conditions plus que suspectes... Corruption, scandales immobiliers... la Chine d’après-Mao ne manque pas de terrains de jeux pour les malfrats de tout poil. Mais cette fois, l’affaire est grave... Tellement grave que l’incomparable inspecteur poète Chen Cao est désigné pour enquêter. Et on finit par l’envoyer... non pas à Shanghai ou à Pékin, non ! A son corps défendant, voilà Chen qui débarque chez les Zaméricains ! Sous couvert d’accompagner une délégation d’écrivains "officiels" chinois, le voilà à Los Angeles où il retrouve bien vite une vieille connaissance émigrée depuis longtemps, Tian Baoguo, qui a bien réussi dans la pharmacie traditionnelle orientale à destination des riches Américains. Sans vraiment s’en rendre compte, Tian le met sur une piste qui s’avérera dangereuse. Une piste qui sera vite confirmée lors de la prochaine étape du périple, Saint-Louis, la ville du poète de prédilection de Chen, TS Eliot, par la belle Catherine Rohn, une policière américaine rencontrée par Chen lors d’une précédente enquête.

Dans ce livre, ce n’est pas vraiment l’histoire, plutôt classique, qui tient le lecteur éveillé jusque tard dans la nuit. Plutôt les personnages pittoresques, comme le poète ouvrier aigri et jaloux des jeunes écrivains "vendus" au capitalisme ; ou encore les situations surréalistes, comme ce passage où Chen, pour confrondre un suspect, se fait passer pour une sorte de devin... Les pistes en forme de poèmes, les nombreuses citations de poésie chinoise, les scènes de rue du vieux Shanghai avec leurs marchands d’eau chaude, les pauses gastronomiques toujours très soignées... Et surtout, l’inimitable mélancolie de Chen le flic poète et solitaire... Tout cela fait des livres de Qiu Xiaolong de véritables voyages géographiques et politiques, qui nous en disent long sur la vie contemporaine en Chine. On ne s’étonnera pas que Qiu Xiaolong soit parti s’installer aux Etats-Unis, où il enseigne aujourd’hui, après les événements de Tien an men.
Qiu Xiaolong, Le très corruptible mandarin, Points Seuil (traduction Françoise Bouillot)

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