Travaillant non loin du stade de France, à Saint-Denis, mon regard a été irrésistiblement attiré par la même affiche placardée sur tout ce qui est à peu près vertical et plat. Une affiche qui semblait posée là pour faire culpabiliser : "Tu ne l'as pas encore lu, qu'est-ce que tu attends ?" "Alors, t'as pas honte ?" ... J'ai fini par avoir vraiment honte, et j'ai lu ce livre vendu à plus de 6000 exemplaires depuis sa sortie en janvier, une performance aujourd'hui pour un premier roman. Le mode d'édition a son importance dans ce succès. Moisson rouge n'a pas hésité à le faire paraître en ligne, épisode par épisode, avant la sortie en librairie. Un pari gonflé qui paye puisque Santaki* est invité partout. Son roman noir, très noir, raconte l'histoire d'Ilyès, dit le Marseillais, caïd de Saint-Denis célèbre pour sa "ruse" et sa dextérité avec les cartes de crédit (le modèle existe et purge en ce moment une peine de prison). On a la sensation d'évoluer dans un monde fermé, étouffant. Il arrive même parfois qu'on se sente extérieur, tellement spectateur de ce monde redoutable qu'on s'en détache, sans doute pour s'en protéger. Les valeurs qui ont cours dans cet univers-là peuvent paraître parfois incohérentes passée la "ceinture rouge": le système a ses failles! Santaki dit que ses proches s'étonnent que lui, si positif, ait écrit un roman aussi sombre. On pourrait craindre que la langue authentique soit un obstacle à la lecture. Il faut une période d'adaptation pour assimiler le lexique mais ensuite ça roule... D'autant qu'en dehors des dialogues, l'écriture est plutôt sobre. Bonne idée de structure : le roman est ponctué de citations de presse (Le Figaro, le Parisien, 20 minutes) sur les faits divers du 93. Les Anges s’habillent en caillera est une sorte d'OVNI qui laisse un arrière-goût amer. Surtout lorsqu'on songe à la réaction des gamins de banlieue qui le liront. Car ce qui y est dépeint est franchement désespérant: ne dormez plus tranquilles, braves gens...
Rachid Santaki - Les anges s'habillent en caillera - collection "Le Syndikat", Moisson rouge éditeur
* Fondateur du magazine 5styles en 2003, lauréat du prix Espoir de l’économie remis par la CCIP en 2006, très actif dans l’associatif et co-fondateur du Syndicat et de Saint-Denis Positif, élu par Tel Quel (plus grand magazine économique marocain) dans les « 50 qui feront le Maroc de demain » en 2007, Rachid Santaki est auteur et hyperactif. Il dort peu et publie son premier livre en 2006, La petite cité dans la prairie. Les Anges s’habillent en caillera est son premier roman."
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