Gilda Piersanti, critique littéraire et auteur, vit à Paris depuis 20 ans, et c'est en français qu'elle écrit ses romans. Rouge Abattoir est le premier volet de la série des Saisons, qui se poursuit avec Vert Palatino, Bleu Catacombes et Jaune Caravage. Le lieu : Rome, tout un programme. Mais pas la Rome des touristes, celle des Romains. La topographie est importante dans Rouge Abattoir : Gilda Piersanti nous prend littéralement par la main pour nous entraîner à la suite de ses personnages. Elle prend soin de nous indiquer le nom des rues et des places, de nous donner des points de repère, elle fait parfois penser en cela à Patrick Modiano et à son inimitable musique, qui lui aussi joue des noms de rues et de ce qu'ils évoquent pour éveiller en nous des émotions bien enfouies. D'ailleurs, à un moment, Gilda Piersanti nous parle d'une Via delle Botteghe Oscure (Rue des boutiques obscures). Hasard ou clin d'œil ? La saison de Rouge abattoir, c'est l'hiver. Un hiver particulier puisqu'il neige sur Rome, et ce n'est pas si fréquent. Du coup, l'atmosphère est encore plus atypique, presque fantomatique, comme étouffée par le froid et les flocons. Toute l'action se passe entre Noël et le Jour de l'an, sorte de parenthèse pas du tout enchantée, puisque dans le quartier de Testaccio où se déroule l'histoire, une série de crimes abominables sème la terreur. Trois filles sont assassinées sauvagement, découpées comme des canards laqués par on ne sait quel barbare. Le commissaire d'Innocenzo, en charge de l'affaire, se voit adjoindre, à son corps défendant, un inspecteur venu de l'Aquila, Mariella de Luca, jeune femme indépendante et secrète qui n'aura de cesse de découvrir l'assassin, ne reculant devant aucun danger. Il se noue entre eux une relation ambiguë, mélange de défiance et d'affection, qui donne au tandem un caractère bien trempé.
Gilda Piersanti pèse ses mots, équilibre ses phrases, sait faire alterner dialogues et descriptions avec un savoir faire certain. Son style coule, roule, entraîne le lecteur vers la suite de l'histoire. Elle sait même parler de sexe sans ostentation, avec naturel, comme d'une chose qui fait partie intégrante de la vie et qui y occupe une place de choix. Pas de fausse pudeur, une expression au féminin qui nous change vraiment des habituelles scènes érotiques décrites avec plus ou moins de complaisance par un narrateur trop souvent maladroit... Gilda Piersanti n'a pas peur d'émouvoir, elle n'a pas peur de choquer non plus, elle ne néglige pas le suspense, présent jusqu'au bout, et n'oublie pas le monde qui l'entoure puisque la vie politique italienne joue un rôle décisif dans cette histoire. Une voix vraiment personnelle, des personnages crédibles qui se dévoilent petit à petit, une intrigue qui tient la route: cette première Saison ne sera pas ma dernière lecture de cet auteur. L'ami Humfred a, lui, fait l'expérience d'écouter ce roman sous forme d'audio-livre. Lisez un peu plus loin ce qu'il en a pensé.
Gilda Piersanti - Rouge abattoir - Editions Le Passage (également disponible en Pocket).
Velda
Voir aussi notre entretien avec Gilda Piersanti
Un polar entre les oreilles
Il s'agit d'un roman policier aux qualités littéraires reconnues dont la version audio mérite le détour. Dans la bouche d'Hélène Lausseur, (l'interprète de cette version éditée par Sixtrid, ce texte prend une autre dimension, une sorte d'urgence. Les phrases coupées par un ton sec qui laisse les mots suspendus à des fils invisibles donnent une irrépressible envie de se caler contre le dossier du fauteuil en tenant fermement les accoudoirs. Le suspense est intense et les personnages prennent vie dans la bouche d'une lectrice qui ne mâche pas ses mots. Tout est dans le verbe. Le ton n'est pas là que pour servir de medium vers nos petites cellules grises qui n'ont pas toujours le temps de s'asseoir au fond de leur cavité cérébrale pour déguster un peu d'encre d'imprimerie, mais donne à ce polar une intensité qui trouvera son apogée lors du dénouement particulièrement réussi.
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