Il aura fallu du temps avant qu'un éditeur français se décide à traduire le premier épisode de la série des John Rebus, L'étrangleur d'Edimbourg (Knots and Crosses) de Ian Rankin. Paru en Angleterre en 1987, ce n'est en effet qu'en 2004 que nous aurons l'occasion de le découvrir en édition de poche.
Ian Rankin, mini-biographie
Né en 1960 à Cardenden, dans la région minière écossaise de la Fife, Ian Rankin fait des études de littérature. Avant de commencer à écrire, il exerce diverses activités plus ou moins lucratives, de vendangeur à musicien en passant par journaliste. Il s'installe dans le Périgord au début des années 90, et y écrit plusieurs des épisodes de Rebus, son héros récurrent. Puis il retourne en Ecosse, à Edimbourg, où il vit depuis lors. C'est en 2007 que paraît en Angleterre la dernière aventure de Rebus, Exit Music, qui sortira en français sous le même titre en 2010. Depuis, il a publié trois romans, dont le dernier, The Complaints (pas encore traduit), est sorti en 2010 en Angleterre. Aujourd'hui, Ian Rankin fait partie des tout premiers auteurs de romans policiers en termes de notoriété.. et de chiffres de vente (à lui seul, il représente 10% des ventes de romans policiers en Angleterre).
En bref
L'histoire se passe... à Edimbourg ! Edimbourg tient dans l'oeuvre de Rankin une place prépondérante, pratiquement aussi importante que celle de John Rebus. Mais chez Rankin, on ne fait pas dans le touristique. C'est le revers de la médaille qui l'intéresse, avec tous les aspects sociaux et politiques que cela implique. Dans ce premier livre, on fait la connaissance de John Rebus, 31 ans, au moment où il effectue un de ses rares pèlerinages dans la région où il est né, pour se rendre sur la tombe de son père. Retour aux sources douloureux, retrouvailles peu chaleureuses avec un frère devenu hypnotiseur à succès. Il pleut, bien sûr. On comprend vite que John Rebus l'inspecteur n'est pas vraiment un "family man" : il est mal à l'aise, ne sait pas quoi dire à ce frère qui est devenu un étranger. De retour à Edimbourg, dans son élément, ce qui l'attend n'est pas réjouissant : une sordide affaire d'enlèvements et de meurtres d'enfants. Deux petites filles viennent d'être retrouvées mortes. John Rebus a beau être un ancien des SAS, il n'en a pas pour autant le coeur sec. L'enquête va être difficile, malgré une profusion d'indices sous la forme de noeuds et de croix (d'où le titre original) qui ont le pouvoir de brouiller les pistes à la puissance 10, accompagnés de messages abscons adressés à l'inspecteur Rebus. Périlleuse aussi, puisqu'elle mettra en danger la famille même de Rebus, et en particulier sa fille Samantha.
Coup d'essai, coup de maître
Comparé aux livres suivants de la série des Rebus, L'étrangleur d'Edimbourg est un petit livre (288 pages). Et pourtant, Ian Rankin réussit le tour de force de mener le lecteur par le bout du nez dans une intrigue à rebondissements, tout en mettant en scène un personnage fort et tout de suite très attachant dans le cadre d'un Edimbourg débarrassé de ses oripeaux folkloriques, tout entier dans ses bas quartiers, ses secrets inavouables, ses lieux infréquentables. Si Rankin évoque souvent Stevenson, ce n'est pas par hasard : dans ses romans, il s'attache à nous montrer l'envers du décor, le côté Mr. Hyde de la capitale écossaise. Rebus boit trop, c'est sûr. Heureusement pour nous, car c'est l'occasion pour Rankin de nous offrir ses inimitables scènes de pub. Il fume trop aussi, il n'est pas un brave type, il s'est fait plaquer par sa femme... Et il se réfugie volontiers dans la musique, assis dans son fauteuil jusqu'à pas d'heure pour combattre ses vieux démons, au beau milieu d'une enquête sordide... Rankin dit qu'avec ce roman, il n'avait pas l'intention de créer un héros récurrent. On a connu des erreurs plus fatales, puisqu'au final, nous retrouverons John Rebus au coeur de... 17 romans !
L'extrait
- Putain de boulot, maugréa Rebus en s'emparant du premier dossier de la pile.
Tous deux restèrent silencieux pendant vingt minutes, feuilletant les fantasmes et forfaits des violeurs, exhibitionnistes, pédérastes, pédophiles et autres proxénètes. Rebus avait l'impression d'avoir la bouche remplie de fange. Quelque part, il se retrouvait dans chacun de ces dossiers. Cet autre lui qui se tapissait derrière son moi quotidien. Son Mister Hyde à lui... Robert Louis Stevenson n'était-il pas natif d'Edimbourg? A sa grande honte, il éprouvait de temps à autre une érection. Jack Morton aussi, à coup sûr. C'était le lot de ce boulot, tout comme le dégoût, la répugnance et la fascination."
Ian Rankin - L'étrangleur d'Edimbourg - traduit de l'anglais (Écosse) par Frédéric Grellier, Le Livre de poche, 2004
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