29 mai 2011

Michel Bussi, l'homme aux nymphéas noirs, avoue tout (enfin presque) au Blog du polar


Nous avons parlé il y a peu de Nymphéas noirs, le dernier roman de Michel Bussi (voir la chronique ici). Curieux comme nous sommes, nous avons eu envie d'en savoir plus. Beau joueur, l'auteur a répondu à nos questions.

LBdP : Comment vous situez-vous dans la déferlante actuelle de romans policiers qui envahissent les librairies, pour le plus grand bonheur des lecteurs, mais aussi pour leur plus grand embarras...?
MB : On prétend que plus de plus de 2000 romans policiers sortent chaque année en France… Pour cultiver ma petite différence, disons que je ne me situe ni dans le roman noir, ni dans le thriller sanglant, mais davantage dans le « whodunit » (le «  quiquatué », pour le dire en français)

LBdP : Seriez-vous capable de mettre en scène un authentique "serial killer"? Car dans
Nymphéas noirs, si le criminel se rend coupable de plusieurs assassinats, il
n'en n'est pas pour autant un serial killer comme on l'entend habituellement.
MB : Capable, sans doute. Envie, pas vraiment. Le serial killer, c’est trois fois sur quatre le niveau zéro de l’imagination chez les auteurs. C’est au mieux une grosse ficelle de scénario (la série de cadavres comme fil conducteur), au pire un prétexte racoleur (et je tue, rien que par sadisme, des innocents, des familles, des enfants,). Je crois que dans un atelier d’écriture prochain, je vais un demander à mes élèves de prendre 5 minutes, de penser à n’importe quel thème, et d’inventer un serial killer  en rapport. Bien concentré, on peut inventer une bonne dizaine de serial killers à la minute.

LBdP : Vous semblez très à l'aise avec les personnages féminins, ce qui n'est pas
nécessairement le cas pour les auteurs de romans policiers. Comment
expliquez-vous cette apparente facilité avec laquelle vous faites parler les
femmes, de façon crédible et sensible ?
MB : Voilà une question qui me fait plaisir ! On dit souvent que pour réussir à cela, un homme doit avoir été élevé dans un univers de femmes, sans père. C’est mon cas. J’ai également une vision assez romanesque des femmes. Mes lectrices trouvent peut-être cela flatteur. Je dois être moins indulgent avec mes héros…

LBdP : Votre Code Lupin a parfois été comparé au Da Vinci Code. Flatté ou agacé ?
MB : Je l’ai un peu cherché tout de même  avec mon héros qu’il s’appelle Rolland Bergton ! Il est de bon ton de ricaner sur la construction linéaire du Da Vinci Code… Cela dit, Dan Brown, possède au moins un talent rare, celui de vous donner une envie irrépressible d’aller visiter les lieux qu’il décrit, Paris, Rome ou Washington… Cette envie, c’est le moteur même de Code Lupin, et un peu aussi des autres romans…

LBdP : Quel est votre mode de fonctionnement? Certains auteurs veulent traiter un thème
précis, et construisent leur histoire autour. D'autres commencent par bâtir leur
intrigue, d'autres encore veulent susciter un certain type d'émotion (la peur,
l'empathie, la compassion, la curiosité...) Pensez-vous que ces trois approches
(parmi d'autres) conditionnent nécessairement le résultat final ?
MB : Parmi elles, je retiens d’abord l’intrigue ! Un roman est  d’abord une histoire, rien qu’une histoire, seulement une histoire, avec une fin bluffante et un début qui rend le lecteur accroc…  Pour moi, c’est l’intrigue qui rend les personnages intéressants, leurs émotions plus fortes et leurs décors plus envoutants… Pas l’inverse…

LBdP :  Votre passage chez un éditeur parisien, après une longue fidélité à un éditeur
régional, a-t-il changé radicalement votre façon de travailler (avant, pendant
et après la publication) ?
MB : Avant, pas vraiment. Contrairement à ce que l’on croit, l’éditeur laisse toute liberté à son auteur. Donc je travaille seul jusqu’à que je sois assez fier de moi pour aller rendre ma copie…
Pendant, un peu. Un éditeur national possède une équipe beaucoup plus structurée de relecteurs, de maquettistes, de publicitaires, de services de presses…  La première fois que mon éditeur m’a invité à déjeuner sur la Butte aux cailles avec toute l’équipe, j’étais super fier, avec presque l’impression d’être un provincial qui entre dans le cénacle du cercle culturel parisien…
Après beaucoup. Ma maison d’édition (les Presses de la cité) s’active sur tous les fronts ; service de presse bien entendu, mais aussi les festivals, les éditions en poche, les adaptations télé, les sorties en club de lecture… Un vrai travail d’équipe ! J’ai compris que la qualité du livre est une condition nécessaire, mais pas suffisante…


LBdP :  La littérature policière a ses figures mythiques. Pourriez-vous citer 5 titres
de littérature policière / noire qui vous ont particulièrement marqué et qui ont
contribué à votre démarche d'auteur ?
Je cite 5 livres donc, du plus récent au plus ancien dans l’ordre de mes lectures. Un choix peut-être surprenant … mais il s’agit de livres dont j’ai eu à chaque fois l’impression de n’avoir jamais rien lu de tel auparavant… et qui ont donc forcément inspiré ma façon de raconter des histoires…
1.    Juste un regard, Harlan Coben
2.    Les rivières pourpres, Jean-Christophe Grangé
3.    L’été meurtrier, Sébastien Japrisot
4.    10 petits nègres, Agatha Christie
5.    Alice chez les incas, Caroline Quine


LBdP : Enfin, que pensez-vous de l'éternelle dualité littérature générale / littérature
policière ? Pensez-vous que certains auteurs contribuent à rendre plus floue la
frontière entre les deux ? Croyez-vous, comme certains passionnés, que la
littérature policière, si elle veut garder sa liberté, doit garder son "quant à
soi" ?
MB : Difficile de garder sa liberté sans faire sauter les frontières…  donc je n’ai aucune hésitation, il y a des histoires que l’on écrit, qui contiennent une tension,  un suspense, des rapports de pouvoir. Définis ainsi, les contes  traditionnels sont des romans policiers (Blanche-neige, le Petit chaperon rouge, le Petit poucet). Même constat pour les tragédies classiques. Réduire la littérature policière à des histoires de flics, parfois même écrite par des flics n’aurait aucun intérêt selon moi….

LBdP : Enfin, question "fétiche" : écrivez-vous en musique ? Si oui, quelle musique
vous a accompagné pendant l'écriture de Nymphéas noirs ?
MB : Oui, je l’avoue, j’écris en musique…
Laquelle ?
« Une souris verte, c’est Gugusse avec son violon, dans sa maison un grand cerf », chanté par ma fille de 3 ans sur son tapis de jeu à côté de moi…

Un rythme de rap (auteur inconnu), qui sort du MP3 du type assis à côté de moi dans le Rouen-Paris
Un hit plutôt dansant qui passe en boucle sur Virgin radio, dans une des chambres de mes ados à l’étage…
« Chuuut, papa travaille…  On maaange… Michel ! Miiiichel ? Miiiiiiiiiiichel ?"
Bref, autant de moments d’écriture grappillés dans une maison et une vie joyeuses et bruyantes.


Les romans de Michel Bussi :
Nymphéas noirs, Presses de la cité, 2010
Code Lupin - un Da Vinci Code normand, PTC, 2006
Omaha Crimes - Le polar du débarquement en Normandie, PTC, 2007
Mourir sur Seine - Le polar de l'Armada, éditions des Falaises, 2008
Sang famille - Traque dans les Anglo-normandes, éditions des Falaises, 2009

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