Pour mémoire, Fairport Convention est un groupe britannique qui a revisité le folklore anglais, et qui a compté parmi ses membres la chanteuse Sandy Denny, qui chanta avec Robert Plant l'épique morceau The Battle of Evermore sur l'album Led Zeppelin IV, avant de mourir en 1978 d'une banale chute d'escalier. Le groupe, qui connut ses heures de gloire à la fin des années 60 et dans les années 70, est séparé mais se retrouve régulièrement, notamment pour le festival annuel de Cropedy, dans l'Oxfordshire, qu'il organise.
Dans ce disque, pas de chanteuse. On retrouve Simon Nicol (guitare et dulcimer), Dave Mattacks (batterie, piano élecrrique), Dave Swarbrick (violon et mandoline) et Dave Pegg (basse et mandoline).
Sur la pochette, une photo du "vrai" John Babbacombe Lee en compagnie de sa vieille mère.
John "Babbacombe" Lee est un album "concept", certains disent même qu'il s'agit du premier opera folk rock.
John Lee naquit en 1864 dans le Devon dans une famille pauvre. Il entra dans la marine, mais dut renoncer à la carrière à cause de problèmes de santé. Il vécut alors d'expédients et de menus travaux, et entra au service de Miss Keyes, une vieille dame qui habitait près de Torquay, dans un lieu-dit nommé "Babbacombe". Un jour, cette dernière fut retrouvée assassinée à son domicile, et ce fut John Lee qui fut accusé, quelque peu hâtivement semble-t-il. Il fut condamné à mort par pendaison. Le 23 février 1885, on l'amena à la prison d'Exeter pour y subir sa peine. Par trois fois, on tenta de le pendre : en vain. Sa sentence fut commuée en une peine de prison à vie. Il ne cessa de proclamer son innocence et fut finalement libéré en 1907. On ne sait pas vraiment ce qu'il devint : aux dernières nouvelles, il serait mort aux Etats-Unis en 1945.
C'est David Swarbrick, violoniste du groupe, qui se passionna le premier pour cette histoire hors du commun, après avoir découvert des coupures de presse chez un brocanteur, dont certaines, apparemment, appartenaient à John Lee lui-même. Le disque comporte 5 parties. Au début, c'est Philip Sterling-Wall qui énonce le verdict prononcé contre John Lee. Le premier morceau de l'album d'origine est une évocation de la vie du jeune John Lee, et de sa volonté d'entrer dans la Navy. La deuxième partie est consacrée à sa première expérience dans la marine, puis à son renvoi pour cause de maladie. La troisième partie raconte le drame et le meurtre de Miss Keyes. Dans la quatrième partie, on assiste au procès, au cours duquel John Lee n'ouvre pas la bouche : il est littéralement balayé par le destin. Il passera trois semaines en prison à attendre son exécution. Dans la cinquième partie, Fairport Convention nous raconte le rêve prémonitoire que fait John Lee la veille de son exécution.
La musique est typiquement folk rock, avec un mélange habile d'acoustique et d'électrique. La partie heureuse de la vie de John Lee est traitée sur le ton de la chanson de marin. La dramaturgie est particulièrement travaillée, avec des passages très sombres et des paroles vraiment originales. En particulier un abécédaire du marin particulièrement réussi. Curieusement, contrairement à beaucoup de disques de cette époque, il n'a pas mal vieilli. Les instruments à cordes se taillent la part du lion, les guitares électriques et acoustiques dialoguent de façon subtile, mandolines et dulcimer apportent leur voix très typée, les instrumentistes sont au sommet de leur art. Quant aux harmonies vocales, elles sont à la hauteur de la réputation du groupe, même si on peut regretter l'absence de voix féminine. A noter : dans une réédition ultérieure, le groupe ajoutera deux "bonus tracks", dont un morceau où chante Sandy Denny.
On peut écouter quelques extraits ici.
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