Vous savez tous le bonheur qu'il y a à découvrir un auteur dont on sait qu'il va devenir un habitué de votre bibliothèque. C'est ce qui vient de m'arriver avec Denise Mina, auteur écossaise appréciée par rien moins que Michael Connelly et Ian Rankin. Dans Le champ du sang, Denise Mina, écossaise de Glasgow, écrit sur sa ville. L'histoire se passe en 1981, le personnage principal s'appelle Paddy (Patricia) Meehan, qui fait office de "coursière" au sein du journal local, le Scottish Daily News. Paddy est à peine sortie de l'enfance, et elle est fascinée par les journalistes et les reporters qui travaillent dans l'équipe du quotidien. Et bien sûr, elle rêve d'une carrière dans la presse...
Paddy n'est pas une beauté : elle est un peu ronde, peu coquette, un brin brusque et maladroite. Et surtout, elle a bien du mal à mener sa double vie de journaliste en herbe et de bonne fille catholique, déjà fiancée à Sean, un brave et beau gars très respectueux des traditions. Bref, Paddy voudrait s'évader de cet univers familial modeste et étouffant, celui qui lui a déjà prévu un destin conforme aux usages. Son drôle de nom est le même que celui de Paddy Meehan, un agent double et un escroc qui, dans les années 60, a été emprisonné pour un crime qu'il a passé sa vie entière à nier, affirmant qu'il était victime d'un complot fomenté par le MI5. Cet homme, Denise Mina l'a interviewé pour de bon... Et en plus de partager son nom avec l'héroïne du roman, il lui insuffle la force et la volonté nécessaires pour venir à bout de l'épreuve qui l'attend. Denise Mina a choisi d'intercaler dans sa narration l'histoire de l'agent double. Bien loin de briser le récit, ces intermèdes donnent à l'histoire une force accrue. C'est l'assassinat du petit Bryan dans des conditions épouvantables qui va faire basculer l'histoire et la vie de Paddy. Bientôt, on arrête des gamins, qu'on accuse d'avoir torturé et tué l'enfant. Paddy sent que quelque chose n'est pas très clair dans cette histoire trop vite expédiée... Elle n'a pas tort. Prise entre une authentique quête de vérité et son ambition professionnelle, Paddy va emprunter un chemin initiatique dangereux qui va la faire définitivement sortir de l'enfance, l'éloigner de sa famille et lui apprendre la solitude, la vraie... Courageuse, menteuse, tour à tour faible et forte, on assiste à la transformation du personnage au fil des pages. L'histoire nous prend à la gorge, et nous tient jusqu'à la fin.
Avec ce premier tome des aventures de Paddy Meehan, Denise Mina réussit un coup de maître. Elle sait comme personne décrire une ville qui à l'époque n'était pas encore le haut lieu de culture qu'elle est devenue. La pauvreté est partout, la noirceur et la dureté aussi, avec la pluie et le vent, la violence également. Les descriptions des lieux sont d'une précision telle qu'on a l'impression de suivre Paddy dans les rues de Glasgow. Et surtout Denise Mina a un véritable don pour parler des corps et des sensations physiques, plaisir ou douleur. Ecrit à la troisième personne, le livre nous fait pourtant pénétrer à l'intérieur du personnage de Paddy, ressentir ses kilos en trop, ses collants de laine mouillée, la douceur maladroite des caresses, la violence des coups. Et cette acuité des perceptions physiques nous amène naturellement à une véritable empathie avec le personnage, qui fait qu'on ralentit la lecture quelques pages avant la fin, simplement parce qu'on n'a pas envie de quitter Paddy. Une vraie belle découverte, et sûrement beaucoup d'autres chroniques à venir...
A noter : la série Paddy Meehan fait l'objet d'une adaptation télévisée diffusée par la BBC, avec David Morrissey dans le rôle du patron du journal. A quand une diffusion en France ?
Denise Mina, Le champ du sang, traduit de l'anglais par Isabelle Maillet, Le Masque
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