2 janvier 2012

Pourquoi ne pas élargir les champs d'investigation?

Depuis l'origine du genre c'est le grand sujet de conversation au coin du feu: polar or not polar? Inutile de se perdre en conjectures pour classifier et définir le roman policier, le thriller ou le roman noir. Éditeurs et auteurs ont tranché dans le vif du sujet en utilisant sans vergogne ce filon pour vendre une production pas toujours à la hauteur mais rémunératrice. Résultat: les étagères des grandes librairies affichent un même auteur dans plusieurs rayons ce qui rend parfois la recherche et le choix difficiles.
J'en ai fait l'expérience avec par exemple les romans de François Cérésa qui sont aussi bien dans la zone histoire, polar ou classique. Les genres littéraires sont perméables, c'est chose acquise depuis les premiers pas de l'édition alors pourquoi se priver du plaisir d'ouvrir un roman policier - même si l'on est un intégriste de la littérature classique - lorsqu'on a frissonné de plaisir en lisant les malheurs de Madame Bovary ou tremblé pour l'avenir d'un certain Raskolnikov. Pour vous en faire la démonstration c'est Maurice Genevoix qui va servir de cobaye avec son fameux Raboliot couronné par le prix Goncourt en 1925 et facilement disponible en livre de poche. Pourquoi ce choix, tout simplement parce que je suis tombé dessus il y a une semaine en rangeant ma bibliothèque pour faire de la place aux polars qui commençaient à s'entasser... Une des fameuses bonnes résolutions du début d'année. Du coup je me suis posé et j'ai avalé ce texte d'une traite. Voilà un roman qui mêle avec habileté l'écologie à travers une description sociale et culturelle de la Sologne, un sens profond des rapports humains et des conflits engendrés par les confrontation de caractères dans la lignée des meilleurs polars. Et pour prouver aux ayatollahs de la littérature blanche que la frontière est bien mince avec la littérature noire, ce texte est parfaitement dans l'esprit du genre en décrivant l'évolution psychologique d'un personnage, un braconnier poursuivi par un gendarme obsessionnel. Le roman est construit comme un thriller en quatre parties. Une exposition du thème avec description chirurgicale de la région, de l'époque et des personnages. Fort de cet état des lieux, Maurice Genevoix met en place les nœuds dramatiques. Ensuite c'est le déchaînement des haines qui aboutira au meurtre, accomplissement d'un destin que l'on pressentait inévitable. Le malaise est poussé au paroxysme dans ce dernier chapitre qui s'interrompt soudainement après le drame laissant le lecteur dans l'expectative. Je n''imagine pas un auteur de polar contemporain qui ne placerait ce roman d'un noir absolu dans sa bibliothèque de référence. Genevoix comme ses contemporains édités aujourd'hui dans les collections spécifiques utilisent le roman pour alerter ses lecteurs en exposant au grand jour une misère que l'on préférait taire après cette guerre qui avait endeuillé les nations. En 1925 l'ambiance est plus volontiers à la recherche du bonheur. La folie créatrice de la période art déco fait tourner les têtes et voilà qu'un conteur, un poète de la nature, montre la vraie vie, celle qui fait mourir de faim les pauvres, qui opprime le malheureux pour le bénéfice du riche propriétaire, celle qui enracine le mal et déchaîne les haines tenaces. En bref tout ce qui fait le sel du polar.

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