22 janvier 2012

Scorsese par Scorsese, un livre trésor

Si vous aimez le roman noir et le polar, alors vous aimez forcément Martin Scorsese. Mean Streets, Les Affranchis, Taxi Driver, Les Gangs de New York, Casino, Shutter Island... Peu de réalisateurs contemporains peuvent s'enorgueillir d'avoir à leur actif autant de films qui constituent de véritables repères dans l'histoire du cinéma, à plus d'un titre. Les Cahiers du cinéma viennent de publier une véritable somme baptisée Scorsese par Scorsese et signée Michael Henry Wilson. L'objet en lui-même est imposant : un pavé relié de 330 pages au format 24 x 28, une jaquette tout en dégradé de noir, de gris et d'argent, une mise en page sophistiquée, une typographie travaillée, un papier couché particulièrement bien adapté à la mise en valeur des innombrables photos qui illustrent l'ouvrage. Bref, un travail d'édition comme on aimerait en voir plus souvent.
Quant au contenu, il est largement à la hauteur du contenant ! Pourquoi ce titre, Scorsese par Scorsese ? Eh bien parce que Michael Henry Wilson suit l'évolution de Scorsese depuis plus de quarante ans et n'a jamais cessé de dialoguer avec lui. Il est un des spécialistes mondiaux de l’œuvre du maître, et ce livre est un hommage au cinéma du XXe siècle autant qu'à Scorsese. Au début du livre, on retrouve les tout débuts du réalisateur, en 1974. Cela se passe à Paris, et l'auteur vient interviewer Scorsese pour son film Mean Streets, qui vient d'être montré à la presse en projection privée. Il travaille pour la revue Positif, et comme la plupart de ses confrères, il a reçu Mean Streets comme un véritable coup de poing. Cette première interview durera pas moins de trois heures. Et ce n'est pas fini puisqu'une semaine plus tard, Wilson retrouve Scorsese à Cannes et reprend cette conversation qui en fait durera, en pointillés, jusqu'à aujourd'hui, pour notre plus grand bonheur. Wilson a retrouvé et reproduit dans le livre des documents particulièrement émouvants et révélateurs, comme cette page entière calligraphiée et illustrée par Scorsese à l'âge de 11 ans pour représenter un film imaginaire. Photos d'enfance dans le Queens, avec les parents de Scorsese et le jeune Martin posant devant leur téléviseur, premiers courts métrages, photos de tournage, story boards...
Le livre est un long dialogue entre Wilson et Scorsese, et il est illustré de façon magistrale par des documents peu connus, particulièrement bien légendés et mis en valeur. Le texte explore la passion dévorante de Scorsese pour le cinéma, son évolution, ses thèmes récurrents, ses relations avec les acteurs et particulièrement avec De Niro, les aspects autobiographiques de son œuvre. Scorsese répond sans détours, avec une rapidité et une lucidité étonnantes. L'auteur reproduit également une interview avec Thelma Schoonmaker, la monteuse de Casino, mais aussi de Raging Bull, qui deviendra la collaboratrice exclusive du maître, et cette interview fournit des détails passionnants, révélateurs d'une personnalité foisonnante, toujours enthousiaste, en état de créativité permanente.
Autre grand moment du livre : les pages consacrées à Gangs of New York, un film qui n'a sans doute pas reçu l'accueil qu'il méritait mais dont le tournage a été une véritable épopée. Sans doute le plus vieux rêve de Scorsese... L'auteur visite le plateau : la ville fantôme a été entièrement reconstituée à Cinecitta. Le tournage durera huit mois au lieu des six prévus, le budget grimpera de 84 à 100 millions de dollars... et bien sûr, il interroge Scorsese.
Le livre se conclut, comme il se doit, avec une filmographie détaillée et un index, indispensable.
Un vrai livre de référence, qui est aussi un beau livre et une biographie absolument passionnante.

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